L’art des castrats italiens Salle Cortot avec Carlo Vistoli
Lors de son séjour en Italie, Georg Friedrich Händel explore les milieux aristocratiques et l'intérêt pour les cantates profanes. Composées pour une seule voix, elles peuvent être interprétées par une femme dans l’intimité des salons : devant un public restreint mais non moins exigeant. Les castrats, véritables vedettes de l’époque, y trouvent aussi un répertoire dans lequel ils peuvent démontrer toute leur agilité devant une assistance privilégiée. Ce soir, c’est le public parisien qui peut profiter de l’acoustique et de l’intimité de la Salle Cortot pour ainsi se laisser séduire par le contre-ténor italien Carlo Vistoli. Dans le programme choisi –annonçant la sortie de son album en avril prochain–, le chanteur incarne des femmes tourmentées par l’amour, voire trahies. Portées par leurs sentiments aussi variés que puissants, ces héroïnes se montrent tantôt furieuses, tantôt langoureuses (et si ce n’est elles qui chantent, c’est leur malheureux amant qui se désole de leur cruauté).
Carlo Vistoli se montre d'emblée touchant grâce à sa présence et par son maintien élégant mais surtout par la maîtrise extrêmement précise du placement de sa voix et de la gestion de son souffle. La candeur de son timbre et l’intensité de ses aigus lumineux partagent une appréciable sensibilité d’interprétation. La ferveur permet de brillantes vocalises, précises et volubiles. L’incarnation du chanteur semble toutefois disparaitre furtivement lorsqu’il ne chante pas (l'effet de sa concentration extrême durant le chant, tout comme un certain manque de liberté et de libération dans ces pièces certes très exigeantes). L'effet n'en est pas moins saisissant par la longueur des lignes et l’agilité acrobatique des vocalises, ainsi que par les changements brusques d’intentions. Le tour de chant se termine en feu d’artifice de vocalises au souffle (presque) sans fin.
Pour interpréter ces cantates profanes avec l’intimité qui sied, le contre-ténor est accompagné par trois musiciens de l’ensemble Le Stagioni, dont son directeur artistique, le claveciniste Paolo Zanzu. Si l’équilibre du clavecin doit d’abord se faire avec la voix et le violoncelle (de Julien Barre, ainsi que Simone Vallerotonda au théorbe) lors de la première cantate, la netteté des phrasés de chaque instrumentiste assied l'ensemble (mais aussi ce manque certain de liberté, voire d'un brin de folie). Les deux œuvres purement instrumentales offrent ainsi de courtes pauses pour le chanteur, et leur technique irréprochable, mais sans malheureusement enthousiasmer l'auditoire.
Le public de la Salle Cortot n’hésite cependant pas à exprimer sa ferveur durant les morceaux de virtuosité vocale, certains parfois même entre deux airs d'une même cantate (se voyant rabroués par d’autres spectateurs). Le bis est offert au public, « pour le saluer à son tour », cette fois avec une certaine malice.