Elsa Dreisig incarne les héroïnes Mozartiennes au Théâtre des Champs-Élysées
Des Noces de Figaro à Idoménée, ce sont les airs de Mozart qui raviront ce soir le public : au programme, une sélection de ses divers opéras italiens, avec quelques-uns de ses airs les plus connus comme “Voi che sapete…” (Les Noces de Figaro) ou des pépites plus discrètes comme “Pupille amate” de Lucio Silla. La salle, certes loin d’être comble, est néanmoins emportée par la vivacité déployée par les interprètes et savoure avec un plaisir évident, marqué par de généreux applaudissements, les fantaisies de Chérubin, la fierté de Fiordiligi (“Come scoglio”) et les minauderies de Zerlina (“Vedrai, carino”).
L’Orchestre de chambre de Bâle conduit par Baptiste Lopez en impose d’emblée dans une ouverture frappant par sa vivacité, sa fougue et son énergie qui ne faillira à nul moment de la soirée. Sans se départir de cette allure, il interprète également la Symphonie n°38 en ré majeur (“Prague”), alliant cette inébranlable vigueur à une aimable légèreté, tout cela dû à une entente sensible entre tous les instrumentistes. La salle est emportée et une bonne partie du public commence à applaudir à tout rompre entre l’Andante et le Presto, se faisant aussitôt houspiller par l’autre moitié, dans un retentissement de « Non ! » repris en écho. La musique se poursuit et enfin, le public peut saluer la fin de la symphonie de moult applaudissements.
Elsa Dreisig rayonne elle aussi dans cette soirée aux multiples éclats –dont celui, évidemment, de sa voix. Tour à tour, elle endosse d’abord les rôles de Susanna, de Chérubin et de la Comtesse Almaviva, passant de l’un à l’autre avec une grande aisance et facilité. La voix est souple, d’un naturel entraînant et d’un timbre plutôt clair, d’une fraîche palette de nuances qui colorent de toute gaieté les airs mozartiens. Les graves sont parfois plus difficiles à rendre, malgré la maîtrise et la précision démontrés par la soprano, dont les aigus sont par ailleurs vifs, engageants et lumineux.
À la prestation vocale, s’allie la prestance scénique et pour chacun de ses personnages, la cantatrice se plaît à associer une incarnation précise, par son jeu comme par le choix de ses atours. Ainsi, pour la première partie, plus joviale, papillonne-t-elle sur la scène dans une robe rose à volants, assortie à des baskets en toile de la même couleur, dans un style enfantin seyant à la naïveté d’un Chérubin, peut-être moins aux tourments d’une Comtesse –quoique part ailleurs, très émouvante. Pour la deuxième partie du concert, plus sérieuse, elle est vêtue d’un complet noir rehaussé d’escarpins blancs et, assise sur une chaise, la main sur le front et les yeux rivés sur le sol, désespérée, elle chante les malheurs de Donna Elvira avec profondeur. Sa Zerlina est joueuse, sensuelle et rieuse (elle envoie un baiser à l’un des violonistes), mais voilà qu’elle s’en retourne aux rôles tragiques avec l’Elettra d’Idoménée (alors qu'elle prendra cet été au Festival d’Aix-en-Provence la Salomé de Strauss qu'elle abordait déjà en récital au TCE il y a quatre ans) : Elsa Dreisig revient alors sur scène depuis les coulisses, le dos voûté, à reculons, alors qu’elle commence à chanter et soudain se redresse, prise de rage et, pour le finale, d'un terrible éclat de rire vengeur –et c’est le triomphe auprès d’un public qui, n’y tenant plus, salue sa prestation de formidables applaudissements.
C’est sur une note plus joyeuse que s’achève cependant le concert, dans un bis où la soprano reprend joyeusement l’air de Despina dans Così fan tutte (“Sperare fedeltà?”), laissant ainsi le public s’en retourner dans la sombre nuit parisienne le cœur encore ému et guilleret, grâce à Mozart.