L'Orchestre Français des Jeunes explore un Nouveau Monde à la Philharmonie
L'Orchestre Français des Jeunes et la Philharmonie de Paris, qui coproduisent ce concert, mettent tous deux en avant à juste titre le travail de médiation avec lequel ils accompagnent leur travail musical. Pourtant, nulle médiation n'est ici proposée pour expliquer le choix d'associer ces morceaux au programme. Le connaisseur pourra de lui-même repérer une certaine proximité chronologique et géographique, entre les Rückert-Lieder de Mahler et la Symphonie n°9 de Dvořák (de Vienne à Prague), et d'autre part entre Kaija Saariaho et Michael Schønwandt (de la Finlande au Danemark). Le curieux ou le rêveur pourra même voir se dessiner une thématique menant vers un nouveau monde lointain : le ciel pour Saariaho, l'Amérique pour Dvořák, tandis que le dernier des Rückert-Lieder chante "coupé du monde [...] solitaire dans mon ciel, Dans mon amour, dans mon chant." Ce concert permet aussi, "simplement" mais c'est déjà beaucoup, de faire jouer par ces jeunes musiciens des conservatoires français les œuvres de deux compositeurs et d'une compositrice qui font partie du répertoire.

Sous la baguette aussi charismatique que sympathique de leur nouveau Directeur Michael Schønwandt (également chef principal de l'Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie depuis 2015), l'Orchestre Français des Jeunes déploie un investissement constant et professionnel. Les nappes de son très envoûtantes soutiennent et introduisent des solos assurés (y compris le piccolo très exposé). Les instrumentistes très unis et solidaires suivent la clarté fougueuse du chef dans de grandes rampes de lancements orchestrales, entre glissandi et grondements représentant de manière esthétique et symbolique les voyages qui composent le thème de ce programme.

Petra Lang est présentée comme "l’une des chanteuses wagnériennes les plus reconnues d’aujourd’hui", ce que confirment sa lyricographie et l'amplitude de ses phrasés articulés, montrant en effet ce que ces Lieder Mahlériens ont de Wagnériens. Toutefois, la voix glisse et bouge beaucoup sur les phrases et sur les notes. Le visage très expressif mène aussi la chanteuse à tendre ou renfrogner le menton, ce qui nuit à la qualité et à l'impact de sa projection. Toutes les intentions sont incarnées et résonnent avec le texte, avec l'évidence du métier, mais le résultat purement sonore est essentiellement bas, tendu ou distendu. Ses accents et son articulation lui permettent toutefois de faire porter son chant par l'orchestre, jusqu'au mezzo forte (confirmant la très grande attention des jeunes musiciens pour leurs augustes aînés, chanteuse et chef).

Ces jeunes musiciens "issus des conservatoires et écoles de musique de toute la France" montrent ainsi leur saisissante maturité, incarnant jusqu'aux silences, déployant déjà toute la gloire des fameux thèmes de la Symphonie "Du Nouveau Monde" (celui du premier mouvement repris par Serge Gainsbourg dans Initials BB, celui du dernier mouvement annonçant Les Dents de la Mer). Ces jeunes artistes donnent également l'exemple en portant tous, correctement, leurs masques (sauf les vents bien entendu), à l'image d'ailleurs de la quasi totalité du public.
La Philharmonie pleine (là encore faisant office de modèle) acclame tous les artistes de ces Nouveaux Mondes.
