Comédies musicales et cœurs en joie à l’Opéra de Vichy
Ils avaient mis à l’honneur le répertoire lyrique, il y a deux ans, lors de leur traditionnel concert de fin d’année (notre compte-rendu) qui les voit toujours se produire dans l'Opéra de Vichy fort bien rempli. Cette fois-ci, mais toujours dans le magnifique écrin d’or de la cité thermale désormais classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, place à un répertoire plus moderne et jazzy pour les musiciens de l’Orchestre d’Harmonie de Vichy, phalange auvergnate historique (bientôt 125 ans d’une existence émaillée de nombreux concerts en France et en Europe). Le public est venu nombreux assister à un concert bâti autour du répertoire de la comédie musicale, et invitant, tel que mentionné dans le programme de salle, à “célébrer la joie de vivre” (ce qui n’est jamais accessoire en ces temps tourmentés).
Le spectacle met ainsi à l’honneur quelques-uns des plus grands maîtres de ce genre ramenant aux grandes heures de Broadway et de l’American Dream du milieu du siècle dernier. Sont ici réunis Gershwin, évidemment, avec un extrait de son Girl Crazy aux sonorités déjà capiteuses (évoquant sa plus célèbre Rhapsody in Blue) dictant le ton du spectacle donnant incessamment envie de battre la mesure en tapant des mains. Gershwin qui a sans nul doute inspiré Paul Hart pour ses Bright Lights, également au programme des réjouissances. Mais l'auditoire peut aussi apprécier du Ferde Grofé, pionnier du jazz symphonique dans les années 1920, avec une pièce qui invite au voyage. Baptisée Mississippi, celle-ci se compose de quatre parties qui constituent comme une déambulation sonore à travers le Sud-Est des États-Unis, d’un mouvement calme décrivant la source du fleuve jusqu’à une fin bien plus jazzy signifiant la grande plongée dans l’océan et, surtout, dans la ferveur musicale de la Nouvelle-Orléans. Vient ensuite Peter Graham, dont la musique plus récente (début des années 2000) renvoie cependant elle aussi à l’Amérique du milieu XXème, mais dans un style déjà plus proche de la musique de film ou de dessin animé. Ses Cats Tales (pièce en trois mouvements centrée autour de la figure du chat), convoquent pêle-mêle des mélodies renvoyant au fameux thème de la Panthère Rose d’Henry Mancini, à "Summertime" de Porgy and Bess, au western... et même au Boléro de Ravel dans un insolite et savoureux mélange.
Fleur Mino, lumineuse ambassadrice de la comédie musicale
Et puis il y a Bernstein, évidemment. C’est là que la soliste du jour, invitée par l’orchestre vichyssois, trouve à se mettre en valeur. Fleur Mino est une spécialiste de la comédie musicale, cela se voit autant que cela s’entend. La joie qui se dégage de son soprano fruité est communicative dans le fameux “I Feel Pretty” extrait de West Side Story, que l’artiste chante en investissant pleinement le rôle de Maria à renfort d’une voix et d’une gestuelle pareillement amples et enjouées. Une générosité également de mise dans la restitution de la candeur (“Glitter and be Gay”, Candide) et d’un charme tout en gaieté (“A little bit in love”, Wonderful Town), la lumineuse artiste servant ces “tubes” avec une amplification qui souligne son timbre clair et coloré, nanti d’aigus sonores et portés. Alternant entre registre parlé et chanté, Fleur Mino livre ainsi une performance pleine d’une communicative alacrité, plus que jamais dans “I could have dance all night” (My Fair Lady, Frederick Loewe) chanté en bis et en français avec le fol élan d’une rythmique à l’entrain enivrant.
Les 90 musiciens de l’orchestre sont dirigés d’une main précise et énergique par Joël Jorda, toujours soucieux de donner la bonne direction rythmique à chacun des pupitres, et de trouver le meilleur équilibre sonore dans la fusion de ceux-ci. Friand de ce répertoire aux confins du jazz et de la musique de cinéma, l’orchestre vichyssois se montre impeccable de justesse et d’homogénéité sonore. Sa performance trouve un point culminant en fin de concert, dans l’interprétation de la Danzón nº 2 d’Arturo Márquez, pièce fétiche de Gustavo Dudamel et considérée comme un hymne à la patrie mexicaine, dont les mélodieuses sonorités centraméricaines sont ici servies. Dépaysé, et des rythmes pleins la tête, le public applaudit chaleureusement l’ensemble du spectacle et ressort visiblement le cœur joyeux et considérablement réchauffé.