Un récital globe-trotter Salle Gaveau
De la Chine à l’Argentine en passant par la France, de Naples à l’Albanie (la patrie des trois artistes), le concert réunit ce soir des airs venus de divers coins du monde. Ce non sans originalité d’ailleurs, tel le morceau composé par Olen Cesari (quelque peu inspiré du thème de Cinema Paradiso, par Ennio Morricone, joué précédemment) mêlant le violon occidental et l’erhu (le violon chinois de Guo Gan, invité surprise de Cesari). L’ensemble est étrange, mais non sans harmonie, en particulier lorsque surgissent les rythmes traditionnels de la musique chinoise, escortés par des effusions plus romanesques, et parfois plus jazzy, du violon de Cesari.
Le spectacle commence par l’association de deux autres morceaux dans une même pièce de piano interprétée par Genç Tukici : s’élèvent d’abord les notes légères de la Marche turque de Mozart, qui s’éteignent petit à petit pour devenir celles de La Marseillaise, avant de s’en revenir vers le morceau de Mozart -un étonnant cocktail qui n’est pas sans déstabiliser le spectateur, d’autant plus que le pianiste, sans doute par un fait exprès, s’applique à appuyer violemment sur le clavier, sans chercher à produire un effet de légèreté, généralement plus propre à la musique du classicisme viennois. Dans le reste du concert cependant, il s’applique à la précision et à la justesse, pour déployer un jeu souple et puissant, comme le démontre sa reprise du Boléro de Ravel. Il est accompagné, la plupart du temps, par Olen Cesari, qui le rejoint d’abord pour jouer le thème de Cinema Paradiso par Ennio Morricone, et, chose surprenante, un amplificateur est lié à son instrument, en modifiant quelque peu le son, alors plus caressant et non sans faire penser, dans les notes hautes, à celui des violons tziganes d’Europe de l’Est.
Ensemble, ils accompagnent Inva Mula qui s’en vient faire voyager le public par sa voix, d’abord en Italie : elle déploie alors un timbre riche, tapissé d'aigus et de nuances plus sombres. Le chant est éclatant et l’émotion, mêlée à une certaine théâtralité, sied délicatement aux couleurs italiennes. Son Caruso (chanson de Lucio Dalla dédiée au légendaire ténor) présente cependant plus de difficulté : la soprano agite trop la tête et le buste en chantant et cela nuit à la tenue de la voix. Malgré tout, elle projette la puissance nécessaire à ces morceaux, mâtinée d’une grande tendresse qui se retrouvera plus tard, avec la chanson espagnole Gracias a la vida.
Émue, Inva Mula l’est également en s’attaquant à la chanson française, en commençant par La Chanson des vieux amants de Brel, qu’elle aime beaucoup et qu’elle n’avait jamais osé chanter jusque-là, explique-t-elle au public. La voix lyrique, de soprano, change radicalement l’aspect de la chanson, mais frappe au moment du refrain, qui demande plus de puissance, ce que peut aisément rendre le chant lyrique. Elle continue avec La Bohème (pas celle de Puccini, celle d'Aznavour), qui se prête d’ailleurs mieux à son art et qu’elle prend, de toute évidence, un grand plaisir à chanter, malgré une prononciation française parfois difficile au niveau des nasalisations. La soprano est d’ailleurs rejointe, sur scène, par la chanteuse de variété Erza Muqoli, d’origine albanaise elle aussi et, au micro, la jeune fille de seize ans reprend les paroles d’Aznavour, soutenue par les vocalises d’Inva Mula, puis Je t'aimais, je t'aime, je t'aimerai de Francis Cabrel, dans une voix agréable et dotée d’une belle tenue.
Enfin, le concert s’achève sur trois chansons albanaises, dont l’une chantée en bis, à l’occasion de la fête nationale d’Albanie qui se déroule ce jour-même. Ici aussi, Inva Mula prend la parole, racontant que la première est un hommage à son père, qui aimait cet air qu’elle entonne alors, sous les acclamations du public, acclamations qui se poursuivent d’ailleurs tout au long de la soirée et s’achèvent par une standing ovation.