Festival Classique au large : impressions soleil couchant avec accentus
C’est dans la salle dite du grand large que s’installent les 30 chanteurs du chœur et leur chef Christophe Grapperon. Cette salle permet, avec sa vue panoramique sur la mer, d’admirer la luminosité déclinante de cette fin de journée et les derniers rayons du soleil qui s’y reflètent : difficile de trouver meilleur endroit -et meilleure météo- comme cadre de ce concert intitulé « À la lumière » !
Ce merveilleux paysage devient alors un écrin pour le programme construit autour d’œuvres chorales variées de Camille Saint-Saëns et de Reynaldo Hahn, aux titres évocateurs. De la Romance du soir et du Calme des nuits à l’Obscurité pour conclure par un hymne À la lumière, il est surtout question de lumière changeante et de clair-obscur. À ces méditations au caractère intime s’ajoutent des pièces plus légères et dansantes, notamment la Saltarelle de Saint-Saëns ou les Chansons anciennes de Reynaldo Hahn qui équilibrent le programme et apportent une note de gaîté.
Réunir ces deux compositeurs est un choix judicieux. Tous deux regardent vers le passé mais sont tournés vers l’avenir avec une esthétique et un univers qui leur sont propres. Saint-Saëns (tout comme Hahn par la suite) a un engouement pour le chœur, dû à la redécouverte de la polyphonie de la Renaissance, et d’autre part pour les orphéons et sociétés chorales qui fleurissent au cours du XIXème siècle. En découlent pour les deux compositeurs de nombreuses pièces a cappella avec pour objectif de respecter l’intelligibilité du texte, dans la clarté de l’écriture. Saint-Saëns parle de madrigal à quatre voix, Hahn de rondels et de chansons anciennes. Ils ont en commun une écriture française avec divisions des voix en une déclinaison de couleurs vocales pensées avec raffinement.
L’interprétation du Chœur accentus dans ce type de répertoire rappelle sa volonté de faire du chant a cappella un fer de lance. Il redonne ses lettres de noblesse à cet art de chanter, apporte un sentiment de plénitude, d’élévation, de communion très forte entre les chanteurs. À l’écoute les uns des autres pour aller chercher la couleur de la note en plus de la justesse, les chanteurs accordent leur respiration. Cela demande une grande précision, une connexion avec le chef qui crée une sorte de matière vivante qu’est le son a cappella. Variant les tempi, les caractères, les nuances, les partitions donnent au chœur maintes possibilités de démontrer leur flexibilité ainsi que leur compréhension complète des textes : tout en finesse et intelligibilité.
La disposition particulière des pupitres mélangés provoque une écoute différente, l’oreille étant un peu perturbée au début, habituée à chercher le registre des sopranos et ténors d’un côté, des altos et basses de l’autre. La frontière est ainsi gommée et une alchimie se produit avec des sonorités chatoyantes, des mélanges subtils parfaitement dosés. Chaque pupitre garde néanmoins sa cohérence : les sopranos et ténors apportent brillance et clarté sans vibrato excessif, les altos déploient des sons fournis et timbrés remplissant le spectre sonore, les basses assument leur fonction de soutien harmonique.
Christophe Grapperon dirige sans partition et insuffle toutes les paroles et intentions à ses chanteurs. L'exigence du geste est aussi au service d'une certaine spontanéité qui ne rend jamais la musique rigide, comme dans la Saltarelle où il esquisse un mouvement de danse et vit intensément avec les hommes du chœur cette ronde populaire.
« Mes nouvelles métamorphoses, ô Lumière ! » clament les chanteurs de façon solaire pour clore ce concert : leur propre métamorphose et renaissance aussi, après de longs mois de silence et d’incertitude liés à la crise sanitaire. Après les applaudissements du public, le chef remercie et offre un « au revoir entre nous » avec le Cantique de Jean Racine (Fauré) d’une grande émotion.