Sonya Yoncheva acclamée Salle Gaveau
La soprano bulgare est la star, de ce soir comme de bien d'autres, avec un agréable programme pour l’occasion, entre la France et l’Italie, entre Duparc et Chausson, Verdi et Puccini. Pas d’airs d’opéras toutefois (sinon lors des bis) mais un ensemble de mélodies qui permettent à Sonya Yoncheva de déployer son timbre riche et sa voix large, malgré un choix de morceaux peu audacieux et sans réel piquant. Le public, lui, est au rendez-vous (une spectatrice s’exclame même « Vi obicham, Sonya! », je vous aime en bulgare, depuis son siège).
La première partie du récital est dédiée aux compositeurs français, avec toutefois un Donizetti, mais là aussi dans un air français, Depuis qu’une autre. Le spectateur apprécie aussi la présence de Pauline Viardot dans le programme, avec Hai Luli rendu par une belle intensité et une douce intimité née de la délicatesse avec laquelle la soprano pénètre chaque note. La voix est lumineuse, sans être ostentatoire et laisse même poindre une pudeur de la chanteuse à produire trop d’éclat. Une pudeur qui sied toutefois à ce répertoire français et qui permet à la cantatrice de proposer une interprétation à la fois belle et équilibrée, qui n’est pas dénuée d’émotion pour autant : c’est ainsi que touche sa Chanson triste (Duparc) et surtout son Donizetti, qui ravit le public. Cela étant, le souffle peine à se répartir et certaines respirations sont malvenues en plein milieu des phrases, le tout avec une diction parfois hasardeuse.
Les mélodies françaises se concluent par Les filles de Cadix (dont elle ne chante que deux couplets sur trois) de Delibes, qui manque de gaieté mais pas d’une sensualité volatile (la même qui reviendra en bis avec la Habanera de Carmen). Les filles de Cadix s’achève soudain sur un aigu d’une formidable puissance qui cause la joie du public, et une première large salve d’applaudissements vibrants.
La cantatrice revient après l’entracte dans une robe noire qui contraste aussitôt avec celle blanche, à voiles et à volants, portée juste avant. La seconde partie du récital est consacrée au répertoire italien et s’ouvre sur les mélodies de Puccini. D’emblée, avec Sole e amore, la soprano déploie une émotion plus vivace, par l’aisance de la langue italienne. La tendresse est au rendez-vous, douce et soyeuse, rendant joliment hommage à la musique du compositeur toscan. S’ensuit toutefois un Martucci (Al folto bosco) où pèse une certaine fatigue, quoique rapidement évincée par un Tosti (L'ultimo bacio) plein de charme et un Verdi où la chanteuse dévoile enfin la toute-puissance de sa voix et la force de son vibrato, en particulier dans In solitaria stanza et surtout dans L’esule, qui conclut le programme, salué d’un tonnerre d’applaudissements. Il est dommage cependant que le chant manque encore d’agilité et de souplesse, malgré un grand sérieux de l’artiste qui s’applique du mieux possible.
Au piano, Malcolm Martineau est un accompagnateur particulièrement attentif à sa partenaire. Son jeu est empreint de justesse, de sagacité et se prête avec élégance au programme, en particulier aux mélodies françaises, prises avec précision. La connivence avec Yoncheva grandit peu à peu au fur et à mesure du concert, et se conclut par le jeu plus charmant que sensuel de la soprano tournant autour de lui alors qu’elle interprète Carmen pour bis.
Bis qui est l’occasion d’un retour à l’opéra, où la cantatrice reprend d’abord l’air de la mort de Mimi dans La Bohème de Puccini, qu’elle chante sans difficulté aucune et qui déborde de tendresse et de douceur. Plus assurée dans Carmen, c’est toutefois avec Massenet et Manon qu’elle conclut ce récital parisien, en promettant au public qu’il ne s’agit que d’un au revoir et non d’un adieu, avant de justement se lancer dans « Adieu notre petite table », empli de poésie dans la voix. Elle conclut finalement par un baiser lancé au public. S’achève alors l’unique récital parisien de l’année de la soprano, sous les ovations chaleureuses du public.