Danser Schubert au XXIe siècle à l'Opéra national du Rhin
De jeunes artistes du Ballet de l’Opéra National du Rhin, danseurs et danseuses confirmés, se sont engagés dans ce projet pour monter leur propre chorégraphie autour de la musique de Franz Schubert. Accompagnés deux fois par le baryton Damien Gastl et à deux reprises également par la mezzo-soprano Liying Yang, tous deux venant de l’Opéra Studio de l’Opéra National du Rhin, la musique de Schubert prend vie.
Le Théâtre de la Sinne n’est pas vraiment rempli et pourtant, le spectacle qui dure près de 2h30 montre des scènes très diverses et d’une riche inventivité, à l’image de notre société contemporaine. Le décor, créé par le peintre Silvère Jarrosson, est constitué de cinq panneaux verticaux indépendants, qui se déplacent automatiquement, ou, au choix, par l’action des danseurs et danseuses. Avec l’assistance scénographique de Clara Hubert, Ninon Le Chevalier et Constant Chiassai-Polin, les costumes forment un mélange un peu déroutant parfois, mais plutôt habile, entre des habits de danse classique et d’autres plus modernes, sans toutefois tomber dans l’extravagance ou le prosaïque.
Pour ce spectacle, la musique, elle, porte trois habits : diffusion de musique enregistrée, musique au piano, musique au piano et chant. Si la caractéristique de la musique enregistrée permet une chorégraphie très précise, comme avec la Fantaisie pour violon et piano, ou même avec un extrait du fameux quatuor à cordes Der Tod und das Mädchen (La jeune Fille et la Mort), la musique en live pour piano, interprétée le plus souvent par un Bruno Anguera Garcia plutôt attentif au tempo sur scène, déplace le regard en direction du côté jardin de la fosse, et crée un véritable espace scénique parallèle à la chorégraphie. Marquant ce désir scénographique, Aymeric Cottereau, aux commandes des lumières, cherche l’équilibre entre la performance musicale et la performance dansée.
Lorsque la musique devient chantée, et systématiquement accompagnée au piano par Karolina Halbig, la performance musicale couvre parfois la performance dansée. En interprétant notamment le célèbre Erlkönig (Roi des aulnes), avec un tempo un peu rapide et le besoin impérieux de requérir un souffle court, le baryton Damien Gastl, chantant depuis la fosse d’un timbre clair et d’un vibrato serré, joue déjà de théâtralité en interprétant les personnages du Lied.
Le choix est un peu différent pour la mezzo-soprano Liying Yang : elle est présente sur scène en robe rouge, laissant presque imaginer qu’elle danserait aussi. Interprétant Nacht und Träume (Nuit et Rêves) derrière la danseuse Alice Pernão, elle-même aussi vêtue de rouge, elle projette sa voix ronde, inondant le public d’un legato fluide, entourant ses phrases de crescendi et descrescendi à dose calculée. Son vibrato assez ample ne l’empêche pas d’articuler distinctement ses consonnes, même si celles-ci apparaissent un peu trop tôt en fin de phrase. Lorsqu’elle revient sur scène avec Auf dem Wasser zu singen (À chanter sur l'eau), elle apparaît cette fois-ci côté cour en habit vert, confirmant un vibrato ample et une diction très précise, jusqu’au « r » roulé. L’équilibre sonore entre la fosse et la scène est un peu plus difficile à obtenir, et, à moins de placer également un piano sur scène, au risque de perturber la chorégraphie, parfois, et presque inévitablement sur ce Lied au tempo rapide, le piano couvre la voix de la mezzo-soprano.
La dernière intervention chantée reprend la version Lied de Der Tod und das Mädchen. Toujours présent dans la fosse, le baryton chante d’une voix douce avec peu de vibrato et beaucoup plus de souffle qu’auparavant. Derrière lui, une danse mixte représente ce Lied comme s’il s’agissait de statues de la Grèce antique mouvantes.
Grâce à une forme de virtuosité des danseurs et danseuses, mais aussi par la diversité des propositions chorégraphiques, l’esprit romantique de Schubert semble avoir été saisi par le public qui offre, avec une joie peu dissimulée, cinq bonnes minutes d’applaudissements.
« Jai souhaité que ma scénographie offre aux 15 chorégraphies le maximum despace et de possibles en ayant recours à differents panneaux mobiles sur lesquels ma peinture sera reproduite à une échelle immersive () » - Silvère Jarrosson, scénographe du ballet Danser Schubert pic.twitter.com/OnNoj8kjXP
— Opéra National du Rhin (@Operadurhin) 14 octobre 2021