Révisez vos classiques à l'Opéra de Rennes
Ce programme participe aussi à un projet d’insertion professionnelle en conviant les chanteurs de la classe de chant du Pont Supérieur (Pôle d'enseignement supérieur spectacle vivant Bretagne-Pays de la Loire) à rejoindre les artistes de Mélisme(s). Le programme est centré autour de Camille Saint-Saëns (2021 marquant le centenaire de son décès), avec des œuvres de Berlioz qu'il admirait et de Gabriel Fauré dont il fut le professeur. Influence et continuité apparaissent comme le fil conducteur de ce programme construit autour de quelques œuvres chorales de ces différents compositeurs. Les titres suffisent pour en donner la couleur changeante, regroupés en quatre thématiques : djinns, fantômes et squelettes (incluant la célèbre Danse macabre), au bord de l’eau (dont La Mort d’Ophélie de Berlioz), Nuits d’été et d’automne, Nuits persanes. Les intentions et les atmosphères abordées sont teintées d’errements, de courses endiablées, de méditations spirituelles, de voyages à travers un orient littéraire fantasmé.
Le Chœur Mélisme(s) s’engage dans ce répertoire avec discernement, intelligence et une maîtrise technique certaine. Le travail est perlé, d’une grande finesse dans le jeu infini des nuances, du murmure des Djinns (de Fauré) à l’énergique forte de la Danse macabre (de Saint-Saëns). La précision des mezza voce ainsi que les nuances piano et pianissimo dosées avec subtilité font entendre une homogénéité des timbres et des volumes apportant de riches couleurs harmoniques, le tout dans un bel équilibre entre les pupitres, notamment dans les trois pièces a cappella de Saint-Saëns (Les fleurs et les arbres, Des pas dans l’allée, Calme des nuits), pièces intimes qui pourraient être une sorte d’autoportrait du compositeur.
Les chœurs à deux voix de femmes narrant notamment la Mort d’Ophélie (Berlioz) avec un pupitre d’alto timbré et à la compréhension parfaite sont empreints d’une grande émotion et expressivité. Cet équilibre est moins évident dans les chœurs plus intenses de la première partie avec des voix féminines (surtout les sopranos) dominantes, rendant moins perceptibles les voix d’homme, même si la puissance et la force attendues sont présentes. La compréhension se perd aussi un peu dans ce début de concert, avant de devenir bien plus précise par la suite.
Quelques passages à découvert permettent cependant d’entendre la beauté du pupitre de ténor (début de la Villanelle de Berlioz) aux voix claires, homogènes avec un phrasé expressif et délicat. Également pour les basses qui soutiennent l’harmonie de leurs voix stables et profondes, davantage mises en valeur dans la disposition en double chœur de la dernière pièce du concert : Sara la baigneuse (Berlioz).
Malgré ce léger déséquilibre sonore dans certaines pièces, le chef par sa direction précise et passionnée réussit à fédérer l’ensemble des chanteurs. La pianiste Colette Diard, accompagnatrice au jeu subtil et sensible lui prête un concours efficace et irréprochable de musicalité.
Cette première de « Révisez vos classiques » est chaleureusement applaudie par un public d’habitués venus nombreux, visiblement heureux de pouvoir de nouveau profiter d’un concert de grande qualité pour un prix modique (5 euros).