La Reine indienne sous les feux d’artifices aux Jardins de William Christie
Purcell est à l’honneur pour clore cette dixième édition du Festival. Dans les jardins de William Christie, à Thiré, au bord du miroir d’eau éclairé par des chandelles, le théâtre, la danse et la musique content ensemble la tragique histoire de l’ambitieuse Reine mexicaine Zempoalla, éprise de Montezuma, guerrier ennemi qu’elle voudrait pourtant faire périr sur l’autel, en sacrifice aux dieux.
Comme The Fairy Queen et King Arthur, The Indian Queen de Purcell est un semi-opéra, alternant (également dans cette mise en espace) les parties jouées et les parties chantées. Le Masque de célébration, ajouté par Daniel Purcell après le décès précoce de son frère, pour compléter la pièce inachevée, est délaissé ce soir. Le texte parlé, d’une grande complexité baroque parée d’intrigues et de sous-intrigues, tiré de l’œuvre des poètes Sir Robert Howard et John Dryden est cependant simplifié, modernisé et traduit en français, pour l’occasion, par la comédienne Raphaëlle Saudinos, qui interprète avec majesté les monologues de la Reine indienne et narre son histoire au public, vêtue d’une longue robe noire et d’une couronne dorée. Elle est entourée par Pierre-François Dollé et Jehanne Baraston, qui alternent ensemble les bourrées et les chaconnes pour divertir la souveraine par leurs mouvements chorégraphiques fluides et harmonieux.
Les voix sont celles des figures de la Gloire, de l’Envie, des dieux et des esprits de l’air qui gravitent autour de la Reine Zempoalla. A sa commande, ils apparaissent et chantent ses louanges, la conseillent ou excitent ses tourments solitaires. La soprano Lauren Lodge-Campbell, qui joue tour à tour une jeune fille et Quivera, brille au milieu des Esprits de l’air et virevolte sur la scène en projetant une voix fraîche mais solide et assurée, qu’elle porte avec une grande agilité. En duo avec la soprano Elodie Fonnard, les deux voix se mêlent harmonieusement, s’élevant comme une seule au milieu de la nuit. Elodie Fonnard, notamment le Dieu des rêves qui vient conseiller Zempoalla dans ses tourments ("Seek not to know"), déploie quant à elle un timbre paré d’un tendre vibrato.
Le ténor Sean Clayton, tour à tour a boy, un des comparses de l’Envie et un esprit de l’air, projette un chant vif et clair. Il apparaît pour la première fois, avec Lauren Lodge-Campbell, au milieu du public pour courir vers la scène aquatique et chanter avec elle dans un aimable duo.
Nicholas Scott, ténor également, survient d’abord en incarnant la Gloire, qui s’oppose à l’Envie par une voix souple et un timbre chaleureux. Et l’Envie de Padraic Rowan rétorque par une basse ample et profonde, revenant plus tard dans le rôle du prêtre Isméron, auprès duquel la Reine indienne vient chercher aide et conseil. Tous brillent dans l’un des plus beaux moments du spectacle, le chœur des esprits de l’air, qui enchante le public par ses allures fantasques et merveilleuses.
Le chœur enfin, composé d’une dizaine de chanteurs, est un ensemble solide et précis de toutes parts, en particulier chantant la gloire de Zempoalla, la Reine usurpatrice.
Retrouvez notre grand reportage-portrait du Jardin des Voix à travers 10 éditions
L’Orchestre des Arts Florissants est dirigé par Paul Agnew, collaborateur privilégié de William Christie et désormais co-directeur de l'Ensemble. La musique, absente des parties récitées, revient à chaque fois avec beauté, souplesse et vivacité, mais toujours avec élégance. Le spectateur note notamment la présence d’une rutilante trompette, également mise à l’honneur par les paroles de Zempoalla qui souvent, appelle la musique à s’éveiller. Et pour le bouquet final, après la fin de l’opéra et le tragique suicide de Zempoalla, Paul Agnew rend la baguette à William Christie, qu’il invite à monter sur scène pour diriger le joyeux Masque, ajouté par Daniel Purcell, célébrant l’union de Montezuma et d’Orazia, la Princesse Inca, prisonnière avec lui. Le spectacle s’achève sous un feu d’artifice surprise, lancé pour fêter les dix ans du Festival et qui s’en va parant le ciel étoilé de Thiré de magnifiques teintes blanches et dorées.