L’Ensemble Clément Janequin rend hommage à Josquin Desprez
Bien que la Basilique de Vézelay soit le sublime lieu privilégié de ces Rencontres musicales, celles-ci se montrent fières d’inviter les festivaliers à explorer le beau pays du Morvan et son riche patrimoine. Pour commémorer les 500 ans de la disparition de Josquin Desprez, qui fut un des plus grands compositeurs français, si ce n’est européen, de la Renaissance, l’église Saint-Germain-d’Auxerre de Vault-de-Lugny prend ici les allures d'un lieu idéal. Entouré des fresques conçues dès la construction de cette église du XVIe siècle, le public se montre ravi de retrouver l’Ensemble Clément Janequin de Dominique Visse, ensemble tout trouvé pour défendre avec savoir-faire et authenticité l’œuvre du maître de chapelle, mêlant avec grand art le savant et le populaire.
Dans le recueil Septiesme Livre de Chansons, publié 20 ans après la mort du compositeur, deux thèmes profanes se côtoient : l’un, aux airs enjoués et aux textes grivois se délecte des rencontres et des élans du cœur, l’autre, aux mélodies et harmonies touchantes et mélancoliques se plaint de l’abandon amoureux. Le programme de cet après-midi alterne ces sujets qui font néanmoins preuve de la même écriture savante, le compositeur jouant avec l’indépendance des voix par l’art du contrepoint. L’Ensemble Clément Janequin restitue cet art avec la simple battue (du tactus) par Dominique Visse, responsable des tempi et de l’élan global des œuvres, mais chacun des six chanteurs est responsable de sa ligne vocale et de ses phrasés. Les timbres de chacun sont différents et assumés, surtout dans les chansons aux mélodies joyeuses et populaires dans lesquelles chacun joue de sa palette de timbres, parfois même très nasal, pour raconter à sa manière le texte directement au public qu’ils regardent volontiers. Une certaine hétérogénéité contribue ainsi au charme Renaissance qui en ressort, avec une authenticité d’interprétation, malgré une justesse parfois délaissée (mais toujours avec soin pour le texte, en moyen français ou en italien).
L’auditeur peut se sentir, par le cadre et la musique, transporté au XVIe siècle. L’ensemble chante dans un élan si naturel et avec une si belle complicité que la Renaissance semble (re)devenir musique d’aujourd’hui. Parmi ces chansons amusantes, celles qui plaisent le plus à l'auditoire sont Allegez moy doulce plaisant brunette, Faulte d’argent ou le dansant Scaramella va alla guerra. Bien que le jeu des voix qui s’entremêlent, souvent dans le genre complexifié du canon, soit toujours aussi patent, les chansons qui pleurent l’abandon par l’être aimé sont empreintes d’harmonies et de mélodies touchantes, notamment grâce aux intentions expressives, à la fois personnelles et complices, des chanteurs. Ceux-ci sont soutenus par le discret et efficace continuo composé d’un orgue positif et d’un luth, dont les ornementations semblent improvisées et complètent l’harmonie de l’ensemble. L’auditeur peut ainsi s’émouvoir de Mille regretz de vous habandonner (qui donne son titre au programme), des tendres harmonies de Douleur me bat, ou encore de la douce poésie de Tenez moy en voz bras.
Charmé et amusé, le public réclame un bis que l’Ensemble Clément Janequin offre volontiers. Ce sera Mille regretz de vous habandonner mais dans la version de Nicolas Gombert. Nul besoin toutefois d’avoir « si grant doeul et paine doloreuse » puisque, sans aucun doute, le public retrouvera avec plaisir cet ensemble et bientôt la musique de Josquin Desprez.