Grands Motets en majesté par l’Ensemble Marguerite Louise à Vézelay
Pour le premier concert du soir de cette édition 2021 des Rencontres Musicales de Vézelay, après deux ans d’absence, le public est visiblement très heureux de retrouver la sublime Basilique de Vézelay. En collaboration avec Château de Versailles Spectacles, les retrouvailles se font en grande pompe, avec les grandioses grands motets, chefs-d’œuvre qui portèrent haut le style religieux français jusqu’à la Révolution. Si Lully imposa le genre, les générations suivantes de compositeurs ne cessèrent de le rendre plus puissant, tant par l’effectif de l’orchestre et du chœur que par les émotions qu’il exprime. Jean-Philippe Rameau fut l'un de ces compositeurs, bien avant qu’il ne se consacre à l’opéra. Trente ans plus tard, Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville en sera un autre, allant encore plus loin dans l’inventivité et la modernité musicales.

Les quatre « motets avec grand chœur », comme ils sont également dénommés, offrent de belles pages à des chanteurs solistes, à commencer ce soir par la "dessus" Maïlys de Villoutreys. Sa voix très claire, légère et directe, est facilement projetée, proposant une diction franche avec un soin très particulier des consonnes. Elle sait se montrer attentionnée, notamment dans son récitatif et air "Testimonia tua credibilia facta sunt nimis" (Vos témoignages sont très dignes de créance) du Dominus regnavit (Psaume 92) de Mondonville. Il serait même davantage plaisant de l'y entendre avec un timbre plus prononcé. Sa collègue Virginie Thomas, lors de ses quelques interventions, en fait particulièrement preuve, permettant de savourer également sa conscience des phrasés joliment soutenus, ainsi que son timbre légèrement suave.

Le haute-contre Mathias Vidal paraît d’abord sur des œufs pour sa toute première intervention. Bien que s’aidant de ses mains pour s'accompagner, ses phrasés manquent d’abord de soutien, ce qui n’aide pas la compréhension de son discours musical, néanmoins toujours très bien projeté. Sa présence est toujours un peu emphatique mais son timbre gagne ensuite en souplesse, notamment grâce à son vibrato. Malgré tout, son interprétation du verset 4 "Montes exsultaverunt ut arietes" (Les monts sautèrent comme des béliers) réussit à captiver par la pertinence de son phrasé, bien aidé par la longueur de son souffle et la dose juste de vibrato. Son surjeu reprend malheureusement le dessus pour son récit introductif d'In convertendo de Rameau, avec notamment des emphases gratuites sur Domine, qui auraient plutôt mérité une certaine sobriété.

L’auditeur est ravi d’entendre la basse-taille David Witczak qui interprète ses airs avec constance, sérieux sans perdre en sensibilité. Son timbre est à la fois sombre et brillant, selon ses intentions, pertinentes et équilibrées. De quoi retenir entre autres le verset 5 "Quid est tibi mare quod fugisti ?" (Pourquoi, ô mer, vous êtes-vous enfuie ?). Sa présence est également fort bien équilibrée dans son trio avec le haute-contre et la taille. La partie de ce dernier est confiée à François Joron, qui malheureusement ne réussit pas ce soir à montrer les talents de son timbre, étonnamment serré et sans aucune chaleur (contrastant avec ses collègues, bien que son intervention en trio soit plus convaincante que son intervention en soliste).
Scéniquement, c’est surtout la présence du chef d’orchestre Gaétan Jarry qui attire facilement les regards, manifestant une forte et néanmoins très appréciable personnalité musicale. Souvent fascinant, parfois un peu fatiguant, il ne manque jamais d’une énergie qu’il insuffle à ses ensembles par une gestique ample, parfois même en bondissant, d’autres fois par des gestes aux allures de codes géométriques, dessinant avec précision les phrasés, les vocalises voire les rythmes des artistes du chœur. Gestuelle qui peut étonner ou amuser autant qu’elle paraît efficace, car son engagement total emporte l’orchestre et le chœur dans un son plein, saisissant de couleurs et dans la mise en valeur des mélodies. Particulièrement, le chœur Marguerite Louise a la part belle dans ces œuvres, et notamment avec les chœurs finaux. Les intentions de l’orchestre autant que du chœur savent être très touchantes et assez dramatiques. Évidemment, nul ne peut rester insensible au saisissant figuralisme de la mer qui se déchaîne, avec des soufflets comme des vagues de sons et des puissants contrastes.

Cette programmation de quatre grands motets représente assurément un marathon ambitieux, relevé par les musiciens de l’ensemble Marguerite Louise sans jamais manquer de la fougue nécessaire à l’interprétation somptueuse de cette faste musique sacrée française.