Une heure de bonheur et d’amour avec Jodie Devos à l’Opéra de Tours
Sur la scène de cet intime et charmant théâtre à l’italienne qu’est le Grand Théâtre de Tours, quelques bougies sont installées çà et là donnant ainsi, avec les légères touches de lumière rose et violette sous un lustre, une ambiance agréablement intimiste. Jodie Devos accueille immédiatement et naturellement ses auditeurs dans l’univers du programme de son récital, se montrant d'emblée envoûtante avec Let Beauty Awake de Ralph Vaughan Williams (1872-1958). La soprano et son accompagnateur, le pianiste Nicolas Krüger, annoncent et démontrent déjà en introduction leur bonheur de retrouver le public et de partager ainsi, de nouveau, leur travail autour d’œuvres connues ou moins connues, célébrant l’amour et le bonheur.
La voix, l'interprétation et le charisme qui semble tout naturel se complètent pour déployer la présence scénique de Jodie Devos. Agrémentée d’un vibrato dosé avec justesse, sa ligne de chant lui permet de se concentrer sur les beautés des textes et des mélodies qui la portent. Sans nul effet de démonstration scénique ou musical superflue, la soprano partage son bonheur visible et audible, par exemple lors du poème L’hiver a cessé de Paul Verlaine mis en musique par Gabriel Fauré (1845-1924). Pour la mélodie Apparition de Claude Debussy (1862-1918), sur un texte de Stéphane Mallarmé, la chanteuse fait entendre sa tendresse, grâce à une maîtrise de la nuance piano, sur un fil qui ne perd pourtant aucune note, sublimé tout en gardant sa voix souriante.
Le programme offre également d’agréables surprises avec des œuvres et des compositeurs méconnus, particulièrement du répertoire de mélodies anglaises. Jodie Devos, native de Libramont en Wallonie, se montre ainsi ravie de pouvoir partager sa passion pour la compositrice polono-britannique née en Belgique Irène Poldowski (1880-1941), dont les Mélodies sur des poésies de Paul Verlaine font leur plein effet charmant. Le touchant Sleep, une des cinq chansons Elisabéthaines d'Ivor Gurney (1879-1932) sur un poème de John Fletcher et Thomas Nashe, permet d'apprécier particulièrement les médiums et chauds graves de la chanteuse, qui déploie ensuite des contrastes expressifs (et même emplis du cynisme des mélodies de Benjamin Britten, On This Island, sur des textes de W. H. Auden). L’agilité vocale de la soprano sait en effet se montrer expressive, voire un rien farceuse, notamment avec les trois mélodies du cycle Façade de William Walton (1902-1983), et particulièrement le dernier Old Sir Faulk, sur un foxtrot.
Un tel programme et une telle Heure de musique avec Jodie Devos s'appuie assurément sur un duo en parfait accord, sur le fond comme sur la forme de ces mélodies tout comme entre la chanteuse et le pianiste. Le jeu équilibré et plein de finesse de Nicolas Krüger sculpte un toucher toujours très propre et net. L'accompagnement se fait présence avec une constante justesse dans le soutien de la voix (sans négliger ses présentations des œuvres du programme, aussi concises qu’intéressantes et aimables).
Pour faire durer encore un peu le plaisir, Jodie Devos propose au public de choisir le bis, l’applaudimètre désignant sans doute possible You Take My Breath Away de Freddie Mercury, dont l’interprétation, pleine de simplicité et dans un anglais toujours limpide, sait émouvoir. Jodie Devos termine donc son récital par un beau « I love you », une déclaration que le spectateur tourangeau saisit et pourrait spontanément retourner au duo qui sut faire de ce Festival de réouverture le moment que son cœur de mélomane attendait depuis tant de temps.
Rendez-vous à Tours et sur Ôlyrix la semaine prochaine pour le Grand Gala lyrique et le concert du Chœur de l’Opéra de Tours