L'Histoire du petit soldat confiné en direct d'Avignon
De plus en plus solidaires face à cette période difficile et dévastatrice pour le monde du spectacle, les maisons d’opéras s’investissent et innovent pour poursuivre leurs saisons. C’est le cas de l’Opéra Grand Avignon, contraint d'annoncer l'annulation des spectacles prévus en novembre (et même d'un ballet programmé le 16 février 2021), mais qui décide et fait en sorte de retransmettre en direct-streaming certains rendez-vous exceptionnels. C’est ainsi le cas pour L'Histoire du soldat, composée en 1917, en pleine Première Guerre Mondiale (un contexte avec lequel le nouveau Directeur avignonnais Frédéric Roels tire des parallèles au regard notre époque actuelle).
La chorégraphie signée Eugènie Andrin de ce pacte faustien (dans les décors et lumières de Laurent Castaingt), plonge dans une chambre d’enfant. Actualisant là aussi le drame, vers le contexte post-Seconde Guerre Mondiale, le soldat est réincarné en enfant, se réveillant et jouant dans sa chambre. Sur un enregistrement de l’œuvre avec les récitants de la Comédie-Française (Didier Sandre, Denis Podalydès et Michel Vuillermoz dont nous avons rendu compte de la prestation en direct) ainsi qu’un ensemble instrumental dirigé par Jean-Christophe Gayot et Olivier Charlier au violon soliste, les danseurs du ballet de l’Opéra Grand Avignon incarnent et illustrent les personnages dans un moment de grâce hors du temps. L’imaginaire de l’enfant-soldat (Anthony Beignard) se développe dans une forme hautement poétique et humaine à travers plusieurs tableaux représentant les rêves et réveils du bambin. Sous les paroles rythmées et soutenues des interprètes, les échanges avec le Diable (Ari Soto) déguisé en clown sont intenses, les pas avec la Princesse (Anne-Sophie Boutant) revisitée en Marilyn Monroe sont doux et délicats, les autres scènes notamment avec les interventions de la poupée (Aurélie Garros) en fiancée, le fiancé (Paul Gouven) et la mère (Noémie Fernandes) offrent un résultat remarquablement contrôlé, aisé et riche. Des scènes de groupes rassemblant les artistes solistes viennent compléter les épisodes.
La représentation se finit par des saluts sans applaudissements, glaçants mais nécessaires pour la captation en direct.
C’est dans cette forme particulière que les artistes ont pu faire face et jouer "quoi qu'il en coûte" pour cette unique représentation, tous soucieux de la situation (du protocole sanitaire et de la qualité du résultat artistique), mais clairement tous professionnels tendus par leur générosité vers leur public "online". L’Opéra Grand Avignon retransmettra également en direct la création mondiale Le Messie du Peuple Chauve composé par Éric Breton vendredi 20 novembre à 20h30 : nous vous avons détaillé ce projet et nous vous rendrons compte de sa création.