Quels Plaisirs, Quelle charmante aventure à l’Auditorium du Louvre par Les Correspondances
Ce midi, la salle de l’Auditorium du Louvre est vide de tout public. Pourtant, plus d’un millier de spectateurs sont déjà présents pour assister au concert de l’ensemble Les Correspondances, dirigé par Sébastien Daucé en direct. Pour faire découvrir les airs à la mode dans les salons mondains ou à la cour du Roi Louis XIII, le programme du jour propose plusieurs airs de cour et extraits de ballets de compositeurs qui furent sans doute victimes de l’oubli du temps. Grâce au fin travail quant à la cohérence de la constitution du programme et aux transcriptions intelligentes pour consort de violes, l’auditeur semble presque entendre une œuvre (dans la tradition de ces opéras imaginaires), avec différentes scènes qui ne souffrent d’aucune brusquerie. Par les appréciables prises de son et de vidéo, agrémentées de discrète mais efficaces lumières en fond de scène, le spectateur virtuel peut ainsi profiter d’un spectacle vivant et surtout intimiste. Atmosphère idéale pour un concert à vivre et à revivre dans son salon.
Soutenus par les huit musiciens, placés sur une haute estrade, et dirigés depuis le clavier par Sébastien Daucé, les neuf chanteurs évoluent avec fluidité sur la scène, selon les besoins musicaux, ou chantent ensemble pour les moments de chœur. La belle homogénéité de l’ensemble se fait particulièrement remarquer lorsqu’ils échangent les parties en cours d’air, chacun participant alors en petit effectif sans néanmoins créer d’effet de nombre superflu, par exemple dans le très joli Cesse mortel d’importuner de Pierre Guédron (1570-1620). Les harmonies vocales, finement accompagnées par les violes, les archiluths et la flûte à bec suivent la direction de Sébastien Daucé, particulièrement attentive aux textes et aux phrasés que demandent leur poésie, savourant de sa bouche et de ses doigts chaque mot, chaque entrée et chaque finale.
Les airs laissent quelques opportunités à certains chanteurs de faire valoir leurs talents, à commencer par la basse-taille Étienne Bazola, dont le timbre profond, la claire diction, l’expressivité simple et juste convainquent immédiatement dans Je perds le repos et les sens d’Antoine Boësset (1587-1643). Le chant est aussi assuré que délicat pour la taille Antonin Rondepierre qui réussit à toucher les auditeurs avec Conseille-moi mon cœur de Boësset. Entre autres airs, Rares fleurs, vivante peinture de François de Chancy (1600-1656) est particulièrement charmant, notamment grâce aux trois dessus qui sont sollicitées l’une après l’autre : Élodie Fonnard touche par sa voix douce et posée, Caroline Bardot fait toujours preuve d’une grande délicatesse, parfois même trop en ne lui permettant pas une émission et une diction modèle, Caroline Weynants se montre pleine de grâce surtout par ses aigus ronds et scintillants, qui pourrait gagner autant en personnalité dans les médiums et les graves. Les passages chantés par Lucile Richardot se font délicieux, comme Rompez les charmes du sommeil d’Etienne Moulinié (1599-1669), la bas-dessus toujours envoutante par son profond timbre velouté et ses regards expressifs (quoiqu'une meilleure émission, plus nette, aurait été appréciée).
Si le public n’est pas physiquement en salle, il n’est pas moins actif et, grâce au vote sur le chat, peut plébisciter un bis dont le choix se porte sur Flores apparuerunt de Moulinié. Un motet en latin dont les si belles harmonies dissipent tout regret.