Inspirations fluviales de Brahms et Strauss fils avec Fatma Said à l’Auditorium de Radio France
Pour installer immédiatement le décor d’Europe de l’Est en ce bel Auditorium de Radio France, l’Orchestre National de France débute avec les Danses hongroises n°1, n°3 et n°10 de Johannes Brahms (1833-1897). La première, la plus connue, est sans doute un moment de chauffe et quelques rares musiciens ne l’ont sans doute pas travaillé avec autant de sérieux que les pièces suivantes, donnant une impression d’ensemble assez imprécise. Cela n’empêche pas la suite d'offrir d’intéressantes couleurs, graves, sombres voire énigmatiques, ou des caractères gais et joueurs, notamment grâce aux vents lors de la troisième danse.
Après cette triple introduction, la scène accueille la jeune et sémillante soprano égyptienne Fatma Said qui interprète deux extraits de l’opérette Wiener Blut (Sang viennois), conçue par le compositeur Adolf Müller à partir d’œuvres de Johann Strauss II, le fils (1825-1899). La chanteuse attire de suite l’attention du spectateur par sa gestuelle souple et son regard intense. Elle raconte ainsi avec douceur son chant à la diction agréablement soignée. Elle montre dès le premier extrait une maîtrise de sa palette de timbres, tantôt noble, tantôt fraiche voire innocente. Malheureusement, malgré l’attention de l’orchestre, très propre sous la direction caressante de Cristian Măcelaru, sa voix se fait trop souvent couvrir et ne semble pas suffisante pour remplir la salle. Les auditeurs placés derrière la scène n’ont sans doute pas pu réellement apprécier les talents vocaux de la jeune soprano. L’orchestration plus intime de l’air Wiener Blut ! permet toutefois à Fatma Said de chanter sur un fil, avec de très douces intentions. Elle termine même sur une longue tenue d’une extrême finesse.
Le moment était évidemment trop court. Sous l’insistance du public, elle offre en bis un détour par le Nil avec une de ses chansons favorites, Aatini Al Naya Wa Ghanni (Donne-moi la flûte et chante) d’après un poème de Gibran Khalil Gibran. Après une intime introduction par la flûte au timbre doré et tendre, la soprano égyptienne veut partager toute la belle poésie de cette chanson, magnifiquement orchestrée. Dommage là encore qu'elle soit souvent inaudible. La voix se fait trop douce, trop intime, intentions exagérées, au moins cas en décalage avec la taille de la salle.
L’Orchestre National de France interprète ensuite la Symphonie n°4 de Brahms, dont les équilibres et changements de couleurs sont difficilement compréhensibles. Il est vrai que la dentelle du compositeur peut facilement devenir pesante, avec de complexes changements de couleurs harmoniques. Néanmoins, à partir du milieu du premier mouvement, la phalange se laisse (em)porter par la musique et se montre capable d’entrainer avec lui le public à travers les touchantes, parfois rassurantes, mélodies des bois lors du 2ème mouvement, ou les émotions surprenantes du 3ème, jusqu’aux terribles, voire tragiques, passages du finale passionné.
Cédant aux applaudissements du public, Cristian Măcelaru et l’orchestre offrent en bis la Danse hongroise n°1 avec l’entrain et la prise de risque propres aux reprises. L'art vivant comme on l'aime !