Concerts d’automne à Tours : le folklore ibérique s’invite à l’opéra
Près de quatorze airs sont présentés avec beaucoup de vigueur et d’entrain. La complicité du groupe est palpable, les musiciens, à l’écoute les uns des autres, jouent, le sourire aux lèvres, de leurs instruments d’époque pour accompagner les chanteurs solistes. Le choix d’interprétation de ces mélodies du folklore hispano-américain avec des instruments d’époque donne une certaine patine à l’écoute et un caractère particulier.
La soprano Mariana Flores arrive sur scène dans une robe rouge étincelante et chante dans une voix claire avec beaucoup de conviction. Les mélodies proposées alternent entre l’évocation du dolce lamento et celui de la fête. Avec légèreté, elle fait danser son corps et sa voix, sans que son timbre ne pâtisse des pas de danse. Gardant une colonne d’air bien alignée, elle chante alors avec beaucoup de conviction et de dynamisme ses airs lyriques tout en effectuant des déhanchés sensuels, comme habitée par la musique
Le ténor Pierre-Antoine Chaumien lui succède avec « De vez en cuando la vida » de Joan Manuel Serrat, compositeur à l’honneur ce soir. Entonner cette chanson populaire avec une voix opératique lui donne une grande portée. Avec facilité, le ténor dévoile alors l’ampleur de son coffre. Des musiques catalanes sont chantées tout au long du spectacle, prolongeant le voyage. La soprano Maria Hinojosa montre sur scène une couleur de voix très particulière, aux accents graves. Privilégiant l’expressivité, elle joue avec les codes de l’opéra, les bouscule et les rétablit à sa guise. Pour la plainte, elle entonne parfois un son entre les dents pour donner un effet de sourdine, elle se risque parfois même à détimbrer sa voix pour exprimer la tristesse et montre par ailleurs un timbre sûr et toute sa puissance vocale lors des crescendos dramatiques. Parfois, les mélodies proposées rappellent des airs de fado, parfois du flamenco, le plus souvent, la musique baroque. Leandro Marziotte, qualifié d’alto, a en effet, une voix dont les aigus surprennent et impressionnent.
La basse Hugo Oliveira soutient l’édifice vocal du trio d’hommes par la chaleur de sa voix. Entre nostalgie, amour, déception et fête, le groupe soudé Cappella Mediterranea interprète toutes les faces de l’expressivité, comme autant de variations sur un thème : les caractères. L’articulation des paroles est notable de la part de tous les chanteurs, et met en valeur la poésie des « romances » espagnols, genre poétique privilégié du siècle d’or. Un canon chanté par les voix d’hommes et de femmes, complète les nombreuses facettes de l’art vocal proposées.
L’accompagnement instrumental surprend par des sons inhabituels à l’opéra : sur les longues notes étirées par les archets des violons, la guitare joue une mélodie dynamique dans un rythme endiablé. Les voix, tantôt lascives, tantôt vigoureuses, invitent au voyage. Le spectacle est ponctué par des interventions du chef, Leonardo García Alarcón, qui instruit le public sur l’histoire des musiques proposées. Le public non initié peut entendre et comprendre cette musique, l’opéra demeurant ainsi international et accessible à tous, prouesse réussie à Tours où même les airs lyriques peuvent inviter à danser. Le public conquis se lève devant la prestation du groupe, qui, ému par un tonnerre d’applaudissements, propose en bis Alfonsina y el mar, chanson argentine d’Ariel Ramirez et de Felix Luna. Ils ravissent le public Tourangeau ainsi que les silhouettes de Beethoven et de Clara Schumann disposées entre les spectateurs pour faire respecter -avec art- les règles de la distanciation sociale.

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