Double soirée Schönberg aux Rencontres Musicales et Scientifiques en Avignon
Nées en 2015 de la collaboration entre la compositrice Elisabeth Angot et la sociologue Célia Poulet, les Rencontres Musicales et Scientifiques organisent leur sixième édition autour de la musique vocale. Malheureusement, suite à la crise sanitaire, l’organisation est contrainte d’annuler deux événements mais elle rassemble sur une soirée un double concert cabaret sur le Pierrot lunaire et même un prélude avec des Lieder de Gustav Mahler (dont Schönberg était proche), ainsi qu’une création de la compositrice-fondatrice Elisabeth Angot. Formant une équipe musicale solidaire, soliste et ensemble se mêlent. Sous la gestuelle précise et bienveillante du jeune chef d’orchestre Léo Margue, l’ensemble avance de merveille en merveille. Sur les Lieder de Mahler, le ténor Fabien Hyon emploie une voix soyeuse et allante soutenue par un doux timbre dans les médiums et graves. Les aigus restent un peu rigides et secs sur les longues tenues. Sur les morceaux plus contemporains, le chanteur démontre une maîtrise de la ligne et de la diction, en particulier avec son "Sprechgesang" (parlé-chanté) contrôlé et naturel. Un peu réservé sur le début, l'interprète gagne en expressivité et en autonomie au cours de son récit, illustré par des tableaux spécialement créés pour le spectacle, représentant les vingt-et-un poèmes.
La seconde partie plonge dans une ambiance Made in USA, pays où Schönberg émigra après avoir été obligé de quitter l’Allemagne devenue nazie. Le spectacle intitulé "De Berlin à New York" embarque dans un itinéraire musical composé de Brecht, Chostakovitch, Gershwin, Weill et d’autres. La mezzo-soprano Mathilde Rossignol assure la double fonction de narratrice et chanteuse, le tout au micro. Également comédienne de formation, son texte assuré et théâtral est illustré en chansons. La généreuse voix est séduisante. Dotée d’un ample vibrato maîtrisé et de chaleureuses harmonies sur l’ensemble de la tessiture, le répertoire lui semble facile. Elle invite également Susanna Tiertant, pianiste de passage à venir chanter deux chansons, d'une voix claire et juste.
L’Ensemble 44 accompagne la soirée en restant très à l'écoute du chef comme des voix, coordonné et précis, tout en déployant une grande liberté d'interprétation : notamment d’impressionnants solos d’improvisation, en particulier, ceux de Samuel Bricault à la flûte traversière et d’Antoine Cambruzzi à la clarinette, nourrissant la partie instrumentale, encouragés par les autres interprètes.
À travers ce double-concert, composé en deux ambiances complémentaires, les auditeurs (re)découvrent ainsi le plaisir de la musique et celui de s'instruire sur une vie (celle de Schönberg) en un voyage esthétique à travers des œuvres clés : l'objectif que peuvent légitimement se fixer ces "Rencontres Musicales et Scientifiques".