L’Opéra de Paris, déconfiné pour un Concert solidaire
Chaque année, l’Opéra de Paris s’ouvre gratuitement à l’occasion du 14 juillet. Le Palais Garnier ne pouvant cette fois ouvrir qu’à mi-jauge, ce sont même deux concerts qui sont offerts aux abonnés, aux mécènes ou encore aux personnels soignants. Dès l’entrée, les masques sont obligatoires, ainsi que la désinfection des mains. Les spectateurs sont placés un siège sur deux (sauf les personnes vivant ensemble), en quinconce. Les premiers rangs sont condamnés afin que les projections des solistes n’atteignent pas le public. Alors que la salle se remplit, la voix si reconnaissable de la nouvelle Ministre de la Culture, Roseline Bachelot, retentit déjà.
Le concert s’ouvre par une fanfare de cuivres : ces instruments, souvent pointés du doigt pour les risques de projection de salive qu’ils induisent, sont ainsi isolés en fond de scène. Les musiciens sont éloignés les uns des autres et leurs pupitres supportent une paroi de plexiglas, suffisamment discrètes pour ne pas détériorer la qualité sonore de l’ensemble. La quinzaine de musiciens, dirigés par Philippe Jordan, interprètent avec cohésion malgré les longues semaines de séparation, des pièces de Paul Dukas et Richard Strauss. Leurs phrasés sont pénétrants, associant douceur et précision.
Pour la seconde partie du spectacle, l’Opéra de Paris met en avant une autre force musicale posant de nombreuses questions sanitaires : le Chœur. Douze choristes, à distance les uns des autres, investissent à leur tour l’arrière-scène, interprétant un Madrigal de Gabriel Fauré et le Calme des nuits de Camille Saint-Saëns. Cette fois, l’éloignement, et quelques défauts de justesse chez les sopranes, ont raison de l’homogénéité du son. La diction est en revanche soignée, tandis que le phrasé délicat semble déposer un voile de sérénité sur un public si longtemps éloigné. La battue de José Luis Basso est en adéquation, sensible et mesurée.
Il est souvent dit que la musique de Mozart est un baume, tant pour l’oreille de l’auditeur que pour la voix des interprètes. Or, cette musique médicinale a également l’avantage de mobiliser un effectif compatible avec la distanciation sanitaire des musiciens. Ce sont donc Les Noces de Figaro (ouverture, airs et duo) et la Symphonie Jupiter qui constituent la troisième partie du concert. Stéphane Degout (après avoir enchanté la Basilique de Saint-Denis), offre la noblesse de son chant au Comte. Sa voix est sombre et couverte, le phrasé théâtral, la diction précise. Julie Fuchs, dans l’air de Susanna, distille une voix fine au timbre fruité, au vibrato preste et léger, aux nuances délicates. Philippe Jordan dirige son orchestre (qui compte cuivres et flûte traversière malgré les risques identifiés) sans partition, un large sourire aux lèvres : le plaisir n’est manifestement pas uniquement dans le public. La finesse d’exécution de la phalange parisienne est digne de sa réputation et de celle de son chef.
En guise de congratulation, les musiciens se serrent les coudes (au sens premier). Le public est quant à lui invité à sortir rang par rang : une bien petite contrainte pour ne pas prendre le risque de se voir à nouveau privé de concert.
Concert du 13 juillet en intégralité :
Concert du 14 juillet en intégralité :