Deuxième Élixir d'amour à Toulouse, deuxième succès pour Kévin Amiel
Nulle annonce à l'ouverture du spectacle cette fois (la veille, le public apprenait que Kévin Amiel -ténor de la seconde distribution- remplaçait le ténor prévu pour la première date, Kévin Amiel qui enchaîne donc deux représentations en deux soirs). Le public plonge immédiatement dans l'effervescence de Donizetti sous la direction pleine d'assurance de Sesto Quatrini et de l'Orchestre national du Capitole, plus en forme que la veille. Le son, parfois un peu strident au niveau des vents, paraît plus harmonieux, notamment du côté des cordes où l'assise, plus nette, donne de la profondeur et du relief aux ouvertures. Le chef italien continue dans sa lecture nerveuse de l'ouvrage et fait regretter un "Una furtiva lagrima" un peu trop allant. Certes, le choix d'en faire un passage de l'intrigue comme un autre est intéressant, d'autant que c'est un tube, mais la vivacité du tempo casse abruptement l'ambiance musicale qui annonce l'air, le privant ainsi d'une partie de la richesse émotive dont il est porteur. Ce n'est évidemment pas le cas de tous les passages lyriques de l'œuvre, puisque les nombreuses phrases qui accompagnent la détresse d'Adina ou de Nemorino sont, elles, très joliment soulignées.
La mise en scène d'Arnaud Bernard est toujours aussi efficace, avec le soin du détail et la chorégraphie impeccable des actants, même si l'accumulation d'effets étouffe parfois la trame principale. Malgré cela, les tableaux qui ouvrent et closent les actes sont saisissants et amenés avec un grand sens dramaturgique. Le comédien Éric Afergan accompagne Dulcamara et propose un personnage clownesque impressionnant d'élasticité physique (notamment lorsqu'il se met sur la tête pour devenir le "porte partition" d'Adina).
Du côté des chanteurs, Kévin Amiel impressionne encore. La voix ne manifeste aucune fatigue et l'artiste se donne avec la même générosité que la veille, se payant le luxe d'ajouter des effets comiques à son interprétation déjà très aboutie. Son air final est acclamé par un public reconnaissant. Gabrielle Philiponet propose une Adina mutine dont se perçoit bien l'orgueil et la frustration. L'actrice est très amusante et se fond pleinement dans la mise en scène. La chanteuse donne à entendre une voix riche et puissante, au timbre clair, à la rondeur de graves sonores et expressifs. Mais il manque le phrasé belcantiste permettant à la voix d'évoluer avec souplesse dans cette partition exigeante. Certaines notes sont ainsi émises avec force au détriment de la beauté, rendant la ligne vocale et la diction un peu floues.
Ilya Silchukov est un sergent Belcore qui ménage bien ses effets. La voix est belle et l'émission très nette, cependant les graves sont peu sonores et le chanteur est souvent couvert dans les scènes avec chœur. Le timbre, lorsqu'il s'épanouit dans l'aigu, est d'un métal blanc qui apporte au personnage une noblesse intéressante. Julien Véronèse apporte au rôle de Dulcamara un physique impressionnant de par sa taille et qu'il sait manier à son avantage. La voix, un peu rauque par moments, est expressive mais, ici encore, souvent couverte par l'orchestre. C'est là un handicap dans un rôle qui est en permanence mêlé à la foule. Céline Laborie, encore plus en voix que la veille, est une Giannetta à la voix unie et brillante.
Le Chœur du Capitole, enfin, donne à nouveau une énergie communicative à ses interventions. S'il met un peu de temps à se chauffer, il devient vite un personnage à part entière dans le spectacle, offrant un son projeté avec précision.
Le public accueille le spectacle avec un enthousiasme qui va croissant au fur et à mesure de la soirée, conquis à la fois par la mise en espace pleine d'humour et la prestation très applaudie du ténor toulousain.