Madrigaux de Gesualdo par Les Arts Flo à la Philharmonie
Quatrième épisode de l'intégrale initiée en octobre 2018, ce volet est introduit, comme d’usage, par une mise en contexte de Paul Agnew au début du concert. Il rappelle que le Prince de Venosa n’est pas l'extra-terrestre de son temps, que le XXe siècle qualifie parfois d’avant-gardiste (Stravinsky, Boulez, entre autres), mais bien un auteur de son époque, dont les originalités d’écritures naissent des pratiques de compositeurs antérieurs et contemporains (l’enharmonie -les fonctions différentes d'une même note- chez Orlando di Lasso, le chromatisme -plus petit intervalle du demi-ton permettant dissonances et modulations- chez Luzzasco Luzzaschi). Le Quatrième Livre n’y fait pas exception, malgré des excentricités d’écriture et un souci formel nouveaux par rapport aux livres précédents. Se retrouve le penchant évident du compositeur pour les thèmes de la douleur, de la souffrance et de la mort, ornée des accords les plus troublés ou les plus doux dans un langage musical figuraliste. Les soupirs soufflent en silence, la plainte s’exprime en des mouvements descendants, la surprise par de violents sauts d’intervalles. Autant d’illustrations musicales de poèmes souvent brefs mais aux paroles lourdes de sens.
Les six chanteurs mobilisés s’entendent à merveille et construisent un son a cappella d’une grande expressivité. Les lignes s’enchevêtrent, se confrontent, au gré des affetti exprimés par la partition, pour finalement s'unir dans d’ultimes accords emplis d’une juste sobriété. Les voix montrent par ailleurs leur complémentarité. Celle de la soprano Miriam Allan est droite et perçante, au timbre argenté. La jubilation comme le tourment trouvent dans ses aigus, à la projection aisée, une amplitude expressive manifeste. À ses côtés, Hannah Morrison reste dans un registre plus feutré et intime. Le phrasé est élégant et souple. Il s’associe à une rondeur de timbre à toute épreuve, dont profitent les soupirs et l’expression de la quiétude. Lucile Richardot ajoute à cette palette harmonique des médiums et des graves riches en timbre. L’alto attaque ses lignes avec assurance et préserve une ligne pleine de grâce. Chez les hommes, Paul Agnew chante et dirige l’ensemble avec discrétion, laissant ainsi une grande souplesse dans les interventions de chacun. Sans jamais être âpre, le ténor cultive un son d’une belle ampleur. À ses côtés, Sean Clayton se fait plus discret en première partie du spectacle. Il révèle ensuite des aigus toniques et rayonnants, irriguant les Madrigaux d’un chatoiement supplémentaire. Edward Grint retrouve avec plaisir le rôle de basse. Il honore son pupitre avec engagement et conviction. La voix sonne sans bourdonner, et trouve une aisance particulière dans le bas de la tessiture au contraire de médiums plus discrets. Elle apporte un soutien mélodique et harmonique considérable à l’ensemble et particulièrement apprécié.
L'auditoire salue comme un nouveau succès ce cycle éclairant les richesses musicales d’une époque entière, par-delà celle du Prince de Venosa.