Le Messie aux accents très British à l’Opéra de Vichy
Véritable chef d’œuvre du genre oratorio, monument phare bien que composé en un temps express (moins d'un mois au milieu de l'année 1741), Le Messie de Haendel trouve une nouvelle fois son public dans une maison vichyssoise qui apprécie définitivement le répertoire baroque. Ces dernières saisons, deux chefs d’oeuvre de Monteverdi y ont été donnés (Le Couronnement de Poppée et Le Retour d’Ulysse), et le contre-ténor Lawrence Zazzo avait été très applaudi dans un récital consacré à Porpora et… Haendel.
Aussi, comme pour mieux rendre hommage à l’identité de la partition (écrite à Londres et créée à Dublin), des chanteurs britanniques sont mis à l’honneur. Dans l’arrière scène, en premier lieu, où prend place l’Academy Choir Wimbledon sous la direction de Matthew Best. Soit un total de 27 chanteurs qui, durant les deux heures et demie requises pour l’exécution des trois parties de l’œuvre, font montre d’une pleine maîtrise du genre. La symbiose entre les différentes tessitures est à l'image de la variété dans les nuances autant que du souci constant à bien marquer chacune des attaques de phrases (et de bien conclure celles-ci, avec des tenues de souffle toujours strictement égales entre chacune des portées). Et même si des soprani particulièrement sonores sortent parfois du lot, c’est pour mieux apporter musicalité et profondeur à un chant d’ensemble restituant la solennité et la majesté requises par une telle musique biblique.

Quatre solistes au chant pleinement expressif
Trois des quatre solistes prenant place sur le devant de la scène sont également Britanniques. Le ténor Peter Hoare se distingue dès son premier air, Comfort Ye, par un chant plein de finesse et de couleurs, projeté avec assurance. Le timbre est clair et des émotions diverses surgissent au gré des différents airs, de l'exaltation (Ev’ry valley) à l'accablement (Behold and see) tous restitués par l’emploi des justes nuances sur le fil d’une ligne de chant aussi large qu’homogène. Prestation admirée, donc, que celle du ténor entendu en mai dernier dans la création française de Lessons in Love and Violence de George Benjamin, à l’Opéra de Lyon.
Tout aussi britannique et brillante (et pas seulement grâce au port d’une robe scintillante), Anna Harvey use d’une voix de mezzo particulièrement chaude et aux contours lustrés, capable d’hardis aigus dans les hauteurs de la portée. La projection a certes tendance à devenir plus fluette à mesure que la voix se dirige vers de plus graves sonorités, mais cela n’empêche en rien d’apprécier un art bien consommé de vocalises interprétées avec générosité, à défaut donc d’être pareillement éclatantes sur toute la tessiture. Toujours porté par le souci d’un vibrato qui soit chatoyant sans être excessivement marqué, le timbre quelque peu implorant de la jeune mezzo colle par ailleurs pleinement à la restitution de la souffrance intérieure dans l’un des airs majeurs de cette partie vocale, He was despised.
L’Orchestre d’Auvergne au diapason du registre baroque
Autre soliste britannique de la soirée, l’anglaise Julia Doyle s’approprie avec bonheur la partie de soprano. Le timbre est fleuri et doté de juvéniles intonations, et la voix est facilement et mélodieusement émise sur une ample largeur de tessiture. Des aigus pleins de reliefs ne gâchent rien à l’affaire, tout comme cette expressivité dans le visage et cet entrain permanent mis dans l’exécution des phrasés les plus allègres, comme dans un Rejoice où la soprano, particulièrement guillerette, gratifie en outre l’auditoire de vocalises aussi acrobatiques que fleuries. Complétant ce quatuor de solistes, Andreas Wolf se démarque lui aussi. Pas seulement par sa nationalité (allemande, cette fois), mais par un chant empli de noblesse et d’ardeur. Le jeune chanteur possède une voix de baryton-basse profonde dont il fait un grand usage, bouche grande ouverte et regard perçant. Si le timbre n’est pas toujours également vibrant, la projection est toujours agréable, autant que la longueur d’un souffle jamais court.
Intercalés entre les choristes et les solistes, les musiciens de l’Orchestre d’Auvergne se distinguent par une impeccable prestation collective, tant chez des cordes alternant efficacement entre fougue et solennité, que chez des cuivres ou percussions certes moins sollicités, mais non moins irréprochables dans chacune de leurs (sonores) interventions. Assis à la tête de l’orchestre, et à renfort de mouvements de bras particulièrement amples, le chef Roberto Forés Veses obtient de son orchestre une riche variété de couleurs et de tempi, ainsi que toute la pompe attendue lors de l’exécution pleine d’allégresse de l’incontournable « Hallelujah ». Un tube évidemment repris en bis, le chef invitant les solistes à rejoindre les chœurs, et le public à entonner le refrain bien connu. Ce dont l’auditoire ne se prive pas, avant de chaudement applaudir une performance tant appréciée à l’Opéra de Vichy qu’au Centre Lyrique de Clermont-Ferrand la veille.
