La musique des cathédrales rayonne à Metz
Les voix du Huelgas Ensemble, dirigé par Paul van Nevel, ne résonnent pas ce soir dans la somptueuse cathédrale célébrée, mais le choix de la délicate Saint-Pierre-aux-Nonnains (IVe siècle) lui rend hommage avec les traditions séculaires qu'elle abrita. Le programme déploie toute l’évolution du chant polyphonique, de la cathédrale de Winchester au Xe siècle, où l’influence messine du Cantilena Metensis, ancêtre du chant grégorien, s’est exercée, à celle de Palerme au XVe. Pour ce retour aux sources, le Huelgas Ensemble formant un cercle tourne au fur et à mesure des chants, ajoutant ou enlevant des voix. De quoi plonger le public dans un voyage d’une cathédrale à l’autre, d’une ville à l’autre.
Dirigé par Paul van Nevel, il s’appuie sur un unique instrument, celui de la voix, seulement soutenue par le diapason du chef, dont la douceur et la retenue de la battue s’accordent logiquement avec la pureté de l’écriture et du chant. L’austère Alleluia Judicabunt, pièce anonyme de Winchester, enchaîne, sur une nuance pianissimo, les difficultés de la tenue du son et du souffle : obstacles dépassés par les deux voix. La diction claire du latin ne fait aucune exception, et le seul chant en langue italienne, le lumineux Gia fu presa de Giovanni Animuccia (vers 1510-1571) offre une élasticité, une légèreté qui sied au transalpin.
Chaque registre se distingue tout en maintenant l’ensemble choral dans une même justesse. Les soprani éclatent en aigus purs, sur le Kyrie et l’Agnus Dei de la Missa Bergerette Savoyene d’Antoine Brumel (vers 1460- vers 1515) ou le Sanctus Vineus de Cambrai, dont l’ « excelsis » final s’achève sur des tons différents pour chaque tessiture.
Les quartes du Gloria in excelsis de Reims ouvrent la voie et les voix à des contrepoints harmonieux, rehaussés par des trilles tout en souplesse. Le Vidi sub altare de Tours offre davantage de rondeur aux tessitures. La basse se distingue par le soubassement qu’elle crée, tel un instrumentiste, dans ses graves longuement tenus, alors que les aigus résonnent, flûtés, sur le Sustinuimus pacem de Tournai. L’alliance délicate de ces deux registres est couronnée dans le Sanctus palermitain, et tranche avec l’éclat lumineux des ténors. Le rythme ternaire enjoué et léger conserve aux voix la même justesse et la même précision, avant un dernier « excelsis » doux et longuement tenu.
D’autres cathédrales attendant le Huelgas Ensemble, Paul van Nevel s’excuse presque de ne pas offrir de rappel, mais les ovations suffisent à prouver l’admiration du public.