Véronique Gens au musée d'Orsay : les élèves et la classe de Maître
Les "Promenades musicales", proposées dans le cadre de l'Académie Orsay-Royaumont (dédiée à l'art de la mélodie et du Lied) sont des instants privilégiés pour les visiteurs du musée : les lauréats, quatre chanteurs et leurs pianistes, unissent leurs talents pour proposer, selon l'ambiance de la salle d'exposition où ils se trouvent, un ensemble de mélodies (en l’occurrence françaises) qui puisse illustrer au mieux les tableaux qui les entourent (peintures de genres, scènes de batailles ou caricatures de Don Quichotte). C'est ainsi qu'Álfheiður Guðmundsdóttir (soprano islandaise) et sa pianiste américaine Elenora Pertz, Victoire Bunel (mezzo-soprano française) et son pianiste français Gaspard Dehaene, Michael Rakotoarivony (baryton malgache) et sa pianiste roumaine Teodora Oprisor, et enfin Fabian Langguth (baryton allemand) et sa pianiste allemande Camille Lemonnier proposent chacun trois morceaux qu'ils ont eu l'occasion de travailler durant deux mois avec, en prime, les précieux conseils de Véronique Gens. Le public peut ainsi passer d'une salle à une autre, au gré de ses affinités musicales et artistiques. L'ensemble est de très grande tenue : les voix sont rondes et bien projetées, profitant de l'acoustique avantageuse des espaces pour déployer une palette de couleurs riche et intelligemment employée. Si le français est parfois un peu imprécis ou les aigus un peu durs, les spectateurs restent impressionnés en revanche par l'implication et l'attention visible portées au sens des propos.
Les promenades sont suivies d'un récital de Véronique Gens à l'Auditorium du musée. Les lauréats et une salle comble accueillent la cantatrice française qui fait son entrée d'un pas assuré dans une longue robe bleue et élégante. Susan Manoff, qui l'accompagne, transmet immédiatement son entrain à la salle avec une gestuelle expressive qu'elle sait savamment associer aux ambiances des morceaux. Au programme, des mélodies françaises que Véronique Gens a enregistrées (parfois même à deux reprises en ce qui concerne le cycle berliozien). La voix, au timbre rond et moiré, sait tout de suite apporter aux poèmes une intériorité et une noblesse qui vont avec l'allure altière et simple de la chanteuse. Cependant, dès la première partie du récital, elle laisse entendre un léger voile sur le médium et le grave, ternissant un peu l'émission. De plus, Véronique Gens semble inquiète et, outre la toux qu'elle essaie de camoufler discrètement, elle est parfois contrainte de faire une pause pour boire à un verre qu'elle a placé à ses pieds. Enfin, certaines mélodies, sans doute trop exposées, sont transposées comme -par exemple- Le Spectre de la rose, ce qui en réduit la portée.
La chanteuse finit par avouer, au moment du bis et avec une émotion visible, qu'elle est malade et ne peut malheureusement pas offrir à la salle toute la générosité dont elle se sent capable habituellement. Le public répond néanmoins très chaleureusement à son art, d'autant plus que -et malgré les contraintes de la soirée- la chanteuse française sait plusieurs fois l'emporter par son jeu, sa diction et son implication scénique. C'est bercé par une version moins connue du poème de Gauthier ("Où voulez-vous aller ?" de Gounod) que le public quitte les lieux, ému par ce que l'artiste a pu faire de sa fragilité.