Le public installé dans la chaleur de la salle du Grand Tinel (ancienne salle des Festins) contemple l’immensité des lieux que vont bientôt emplir les voix des jeunes artistes, tous issus de trois écoles renommées dans le domaine de la musique médiévale. Sont ainsi rassemblés pour cet événement, le département de musique ancienne de la Haute École de Musique de Genève et du Conservatoire National Supérieur de Musique et Danse de Lyon ainsi que la Schola Cantorum Basiliensis (de Bâle), structure spécialisée dans la musique allant du Moyen Age au début du XIXème siècle. Ces phalanges se réunissent pour reconstituer, dans un lieu authentique et adapté à ce répertoire, un hommage au Pape Clément VI (qui acheta la ville d'Avignon pour l'Église en 1348 et commanda la construction des murs d'enceinte), avec des extraits de textes liturgiques récités par Olivier Bettens à la voix éclatante et théâtrale.

Sur une scène un peu restreinte, les jeunes chanteurs montrent leur professionnalisme via des entrées et des mouvements musicaux bien réglés. Débutant en tutti, l’ensemble des interprètes entoure le public, des harmonies douces et soyeuses s’élevant dans les hauteurs de la salle. De petits ensembles mêlent les voix sur des motets (composition harmonique à plusieurs voix basée sur des textes à caractère religieux) à trois ou quatre lignes complémentaires. Philippe de Vitry, Gervais du Bus ou encore Guillaume de Machaut résonnent avec ensemble instrumental ou bien a cappella, par des voix au timbre frais et pur, mais matures. 

Élève appartenant à la Haute École de Musique de Genève et sous la direction réglée de David Chappuis, la soprano Marjeta Cerar porte une voix légère et claire, avec quelques départs maladroits. Également soprano, Carolina Acuna se détache de sa partition et déclame son texte harmonieusement. Le ténor Mauricio Montufar s’avère minutieux et sa voix sonore et linéaire se fait entendre. Enfin, le ténor Emilio Gutierrez se montre autonome et agile dans ses lignes. 

Représenté également par quatre élèves, le niveau du Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon semble rivaliser. Supervisés par Anne Delafosse, ils se montrent autonomes et bienveillants les uns envers les autres. La mezzo-soprano Camille Fritsch remplit la salle d’une voix chaleureuse et dynamique. Le ténor Nicolas Kuntzelmann englobe sa voix claire et expressive par une diction travaillée. L’alto Brice Claviez-Homberg, montre un timbre léger à travers des lignes souples et chatoyantes. Pour finir, le contre-ténor Sylvain Manet s’élance de sa voix fluide et légèrement boisée. 

Les étudiants de la Schola Cantorum Basiliensis jouent le double rôle d’accompagnateur pour leurs camarades mais forment aussi le troisième groupe vocal de cette soirée. Sous la direction vigilante de Baptise Romain, la soprano Miriam Trevisan, également à la vièle, assure sa partie d’une voix aérienne et purement compréhensible. La mezzo-soprano Julia Marty également à la guiterne (guitare médiévale), laisse entendre son contrôle mais une voix un peu effacée. Rui Staehelin, aussi au luth, reste présent via un phrasé musical lisse et homogène. Leur interprétation du morceau instrumental "Estampie" de Robertsbridge, Codex datant de 1330, est remarquée et fascine l'auditoire.

Le public traverse la cour et quitte le Palais, parmi les échos des voix et de l'Histoire d'Avignon.