Paroles d’enfants à l’Opéra Grand Avignon
Profondément touché par les conséquences des mouvements migratoires, le compositeur et créateur de ce
spectacle Dominique Lièvre traite de l’enfance infortunée, martyrisée, oubliée, perdue, à travers des poèmes et textes, récités et interprétés en
musique. Un hommage et une
remise en question, ancienne et toujours
actuelle. C’est d’abord avec les Kindertotenlieder que le sinistre concert débute. Ces Chants
sur la mort des enfants écrits par le poète allemand
Friedrich Ruckert suite à la mort de ses deux enfants furent mis en musique par le compositeur Gustav Mahler qui perdra sa fille en 1907, deux ans après la publication du cycle musical.
Les mots et les sons résonnent avec le tragique destin contemporain. Dans une version pour orchestre à
cordes et une harpe, pouvant représenter une certaine douceur
d’enfance, le concert s’enchaîne sur des textes d’aujourd’hui, sous une projection de peintures abstraites, de visages flous et
abattus. Les œuvres-hommages et en lien avec la thématique s'enchaînent aussi, notamment Thrène
à la mémoire des victimes d’Hiroshima composé en 1960 par Krzysztof Penderecki
ou encore la troisième symphonie
Kaddish (1963) de Leonard Bernstein en hommage
aux victimes de la communauté juive, exterminées pendant la Seconde
Guerre Mondiale.
La soirée est essentiellement incarnée par des femmes, l’aspect maternel est présent autant dans le récit poignant d'Ada Bonora que dans la douce voix de la mezzo-soprano française Coline Dutilleul. Limitée à une interprétation un peu restreinte à cause d’un problème de microphone, la récitante trouve une solution et une projection vocale dès les premières minutes du spectacle, montrant son professionnalisme. Dans un jeu expressif et valorisant chaque mot, le discours s’installe et les paroles s’envolent dans la salle. Seule voix chantée, Coline Dutilleul déploie une mélodie brillante et touchante, ancrée sur un jeu pertinent. La lecture sur partition ne l’empêche pas de s’épanouir avec un timbre léger mais vibrant. Sa voix gracieuse est comme une berceuse. Les graves sont forts et les aigus sont justes, volontairement déchirants. L’Orchestre régional Avignon-Provence assume dès lors la lourde atmosphère de cette soirée sous les directives du chef Éric Breton, expressives mais bienveillantes.
Soirée bouleversante et pesante : c’est avec le cœur lourd et conscient de cette problématique toujours présente dans le monde, que repart le public.