Don Pasquale à Londres : lumières, caméra, action !
Don Pasquale, écrit pour le Théâtre italien de Paris, est l'homologue buffo du miracle comique français de Donizetti, La Fille du régiment, composé trois ans plus tôt et récemment entendu à Covent Garden.
Le dramma buffo de Ruffini et Donizetti pose des questions intrigantes sur le registre et le positionnement des deux personnages principaux : Don Pasquale et Norina, l'amante de son neveu. Pour une grande partie de la production de Damiano Michieletto, le rôle-titre se situe à la frontière entre vieillard hostile et personne âgée crédible, sympathique, en quête d'un amour perdu. Bryn Terfel compose un caractère vif, optimiste et vigoureux -très éloigné de son Falstaff- dans une interprétation soutenue par sa voix aussi légère que bien ciblée. Cette voix d’habitude profonde semble même presque trop légère et trop haute pour le rôle, mais la projection vient se marquer à chaque virage. Ses deux duos avec le Malatesta de Markus Werba figurent parmi les moments forts de la soirée : le deuxième, 'Cheti, cheti, immantinente', ayant été ajouté miraculeusement pour une production à Vienne et basé sur des matériaux recyclés de L'Ange de Nisida -également entendu au Royal Opera House ces deux dernières années - dont la plus grande part a également été reprise par La Favorite. Markus Werba possède une voix centrée et aux phrasés d’un style tout en élégance. Il s’impose dans le troisième acte par les rythmes rapides parlando (tandis que Terfel est retenu par la grande activité scénique).
La némésis de Don Pasquale est la jeune veuve Norina. Comme lui, Olga Peretyatko joue entre des registres contradictoires : une méchanceté cruelle et une approche plus mondaine et sympathique envers la personne âgée qu'elle trompe si efficacement. Peretyatko y déploie la superbe de sa colorature, d’un phrasé élégant sur tout le registre, des dynamiques maîtrisées et staccati (piqués) arrachés à l'air comme des diamants polis. Sa sortie sur 'So anch'io la virtù magica' est aussi élégamment équilibrée, et laisse attendre avec impatience son rondò final 'La morale in tutto questo'.
Don Pasquale est une œuvre de duos : le lyrisme parfois un peu relâché de Terfel et Peretyatko se reprenant dans le parlando, Peretyatko fait aussi de son mieux pour accompagner l’Ernesto de Ioan Hotea (le ténor semble gêné dès ses premières interventions, serré et se resserrant au fur et à mesure avec un vibrato rapide hésitant sur la justesse, renforçant la mélancolie de sa sérénade amoureuse). Enfin, Bryan Secombe tient le petit rôle du notaire avec beaucoup d’énergie et d’investissement vocal.
La production de Michieletto offre un décor moderne pour la maison de Don Pasquale, une voiture pour Norina et fait également appel à la vidéo -avec une habile scène du jardin surimposant les personnages, même si le procédé de fusion des caractères est alors employé pour la troisième fois du spectacle.
Comme toujours chez Don Pasquale, la question est de savoir comment gérer la fin de l’œuvre, et la production offense visiblement une partie du public, à en saisir ses réactions. Le vieux Don Pasquale est simplement jeté dans un fauteuil roulant et négligé, tandis que dans un violent contraste, l'éclairage d'Alessandro Carletti fait scintiller les éléments polis sur la scène.
Evelino Pidò (à la baguette pour l'entrée de l'œuvre -dans cette production- au répertoire à l'Opéra de Paris et interviewé par Ôlyrix à cette occasion) dirige d'abord avec hésitation, se privant d’une occasion de virtuosité dans l'ouverture. Le récitatif met du temps à s’animer et à se tourmenter mais il s’échauffe grâce à un orchestre maison en pleine forme, ainsi qu’un chœur très en place.
Don Pasquale est retransmis en direct dans les cinémas le 24 octobre 2019