Nora Gubisch et Alain Altinoglu : unions musicales en récital à La Monnaie
Aux sources du Lied, mais aussi aux origines et affinités musicales des interprètes. Entre Allemagne avec Schumann, Strauss et Brahms, Espagne avec Ricardo Viñes, Granados et de Falla ainsi que des soupçons d’Arménie, le voyage se dessine grâce à la voix très colorée de la mezzo-soprano Nora Gubisch et au clavier du Directeur musical résident Alain Altinoglu. Une histoire d’amour et de musique, fusionnelle et profonde, qui remonte aux sources de la mélodie avec la fraîcheur d’une approche musicale décomplexée et surtout très précise.
Parler du couple Gubisch-Altinoglu mène à la fulgurance de leur carrière, de leur agenda très chargé, de leur rencontre sur les bancs du Conservatoire de Paris, à leur collaboration musicale autour des grands opéras de La Monnaie de Bruxelles (Aida, Le Château de Barbe-bleue, Tristan et Isolde entre autres). « J’ai découvert la voix grâce à Nora [déclare Alain Altinoglu]. La voix me touche. Chaque timbre est tellement particulier. Cette diversité de la nature est formidable. J’aime cette différence, celle qui fait que chacun est unique. J’ai tellement de plaisir à travailler avec les chanteurs, les soutenir, les aider afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. »
La langue musicale que parle avec lui Nora Gubisch se fait dès lors plus versatile et d’une prosodie en accord avec le registre interprété. La voix est riche, son amplitude maîtrisée pour une liberté d’interprétation simple et pure. Le Lied romantique est rendu dans une sphère musicale, ciselée, globale et intime.
L’échange est palpable, nourri d'une expérience commune et sentie pour le pianiste, qui offre à entendre les Lieder profonds, sombres et "lourds" d’un clavier réfléchi, sur une voix androgyne pour la chanteuse. Des sons presque masculins, évoluent vers des aigus riches, prolongés et hybrides. Puis le romantisme allemand, son silence, son indolence bascule vers un registre plus ibérique, vif et folklorique. Nora Gubisch décrit les sept chants populaires composés par Manuel de Falla comme un cheminement « où joie et malheur sont assez proches. Une atmosphère sombre et douloureuse fait ici face au feu, au soleil et à la danse ». Un mi-chemin entre musique populaire, nostalgique et indolence autour de la mort pour Enrique Granados et de la vie pour de Falla. La Maja dolorosa (amante affligée) confère à Nora Gubisch une vélocité et une diction très précise, vive et d'une très large palette d’expression.
Du Romantisme allemand au Fuego espagnol, le voyage offert par le duo Gubisch/Altinoglu devient voyage intérieur, nourri d’une musicalité inspirée par un exotisme autour du classique, entre l’entendu et la nouveauté, servi par un dialogue intense.