Concours Raymond Duffaut 2019, Confluence de Jeunes Espoirs en Avignon
Créé
en 2015, le Concours Jeunes Espoirs Raymond Duffaut a pour objectif
de faire découvrir les voix de demain, en permettant à de jeunes,
voire de très jeunes artistes, de tenter leur chance. En effet, le
concours est ouvert à tous les participants âgés de 16 ans à 26
ans et il est divisé en 3 catégories : Jeunes Espoirs (16 à
18 ans), Jeunes Talents (19 à 22 ans) et Révélations (23 à 26
ans).
Cette année, 82 candidats de 19 nationalités se sont présentés pour les éliminatoires, 12 étant retenus pour la finale. Durant la soirée, chaque candidat doit interpréter deux airs d’opéra ou d’opérette sans partitions, dont un obligatoirement en français. Un air est choisi par l’interprète, l’autre étant imposé. Les participants proposent ainsi un répertoire complet, allant du baroque au moderne et passant par plusieurs langues.
Pour cette finale, ce sont 8 sopranos, 2 barytons mais également 2 contre-ténors qui rivalisent de talents, accompagnés impeccablement mais aussi d’une manière inspirée par les pianistes Ayaka Niwano et Sébastien Joly tout au long de cette soirée. Les chanteurs se suivent dans une concentration et une assurance professionnelle, laissant percevoir un réel potentiel en chacun.
La soprano française Faustine Egiziano (17 ans) remporte le Prix Jeune Espoir à l'unanimité décerné par l’Opéra Grand Avignon (2000 €), grâce à son charme déployé à travers une interprétation complète et engagée. Son timbre naturellement léger vibre parmi l’auditoire, en des nuances pleinement maîtrisées. Même âge (donc même catégorie), même tessiture et nationalité : Lisa Bensimhon (lauréate du prix Club Soroptimist International d’Avignon) possède un timbre envoûtant et charmant. Son jeu est sans réserve, sa voix largement colorée dans les médiums tandis que les aigus remplissent l’espace, notamment dans ses longues phrases et son legato mélodieux.
Chez les Jeunes Talents, c’est la soprano française de 21 ans Héloïse Poulet qui remporte non seulement le prix de sa catégorie remis par le Conseil Départemental du Vaucluse (3000 €) mais aussi le prix du Centre Français de Promotion Lyrique (1000 €). Elle se démarque par sa grâce vocale et son expressivité séduisante. La diction est particulièrement subtile, la voix lyrique fraîchement sonore. En accord avec la musique, elle s’imprègne de son rôle avec aisance, démontrant les nuances et le phrasé subtilement français des Pêcheurs de perles.
Le baryton français de 22 ans Aymeric Biesemans exécute pour sa part ses airs dans un élan dynamique et sensé. Les notes chaudes et puissantes dans les graves sont exprimées avec un soutien continu. Toutefois, l’humble jeu scénique du chanteur reste encore un peu sur la réserve. La soprano française de 22 ans Clara Barbier Serrano propose à l’auditoire sa voix lyrique et homogène, d’un vibrato continu mais un peu perçant dans les aigus. L’air de la Folie dans Platée lui permet d’étaler sa souplesse vocale, les notes agiles s’envolant avec une fluidité persistante. Souple et fluide également, la voix de la soprano française de 22 ans, Margot Fillol se met au service de Despina (alors que sa Mireille, s’éteint petit à petit, la voix perdant en brillance dans les aigus).
Dans la catégorie Révélations, la soprano franco-allemande âgée de 25 ans, Marie-Dominique Ryckmanns triomphe à travers un répertoire adapté à son emploi. Son étendue vocale légère et aérienne lui permet de gravir les aigus les plus complexes avec une facilité remarquée. Sa technique solide lui assure une interprétation complète et distincte, notamment en Olympia des Contes d’Hoffmann. Coup de cœur et récompensée par le prix du public, elle recevra également le prix de sa catégorie (5000 € décernés par la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur). De la même nationalité et lauréate du prix de la meilleure interprétation du répertoire français (1500 € décerné par Petit Palais Diffusion - Rayonnement du Musée), Cécile Madelin captive par sa précision vocale frappante, son phrasé fluide et timbré, sans difficultés apparentes.
Lauréat du prix de l’Avant-Scène Opéra (1000 €), le contre-ténor français de 26 ans, Léopold Gilloots-Laforge définit d’une manière subtile et appliquée sa charmante et chaude voix, homogène et ample. Il conquiert le public avec l’air du froid de Purcell quoique sa projection, un peu plus faible vers les médiums-graves, pourrait s’intensifier. Autre acteur marquant de cette compétition, le baryton de 26 ans venu de Madagascar, Michael Rakotoarivony chante majestueusement son répertoire. Gagnant le prix du meilleur interprète du répertoire italien (décerné par l’Institut Culturel Italien de Marseille, avec à la clef une proposition de concert le samedi 30 mai 2020 à 17h au Foyer de l’Opéra de Marseille), sa diction continue et sans rupture est appréciée dans sa voix harmonieuse et boisée. Dans son personnage, le candidat s’ouvre au public et remplit la scène de sa gestuelle scénique et vocale.
Parmi les finalistes et dans un répertoire émouvant, la soprano espagnole de 23 ans, Carmen Boatella Benitez-Donoso invoque la sensibilité de Pamina. La chanteuse dégage une émotion particulière par ses nuances attendrissantes et son charisme volontairement fragile. Enfin, le contre-ténor français, âgé de 24 ans, Théo Imart, déploie des envolées angéliques nettement exécutées. Son ancrage vocal et sa présence scénique, simple et cohérente, sont plaisantes.
La soirée est encourageante pour tous ces artistes en devenir, mais aussi pour le public, qui peut constater combien l’art lyrique est toujours dans le cœur de la prochaine génération.