Douceur et virtuosité des motets et chansons vénitiennes par La Guilde des Mercenaires
Passionné
des instruments anciens à vent, le cornettiste Adrien Mabire a réuni
autour de lui une véritable petite famille d’instrumentistes tout
aussi talentueux et enthousiastes qu’émerveillés par la musique
italienne du Seicento. Dans son récent enregistrement
Mottetti e Canzoni virtuose (label L’Encelade),
sa Guilde des Mercenaires présente quelques motets et chansons qui
firent la renommée des musiciens virtuoses de la Basilique
Saint-Marc de Venise, tels Roland de Lassus (1532-1594), Giovanni
Pierluigi da Palestrina (1525-1594) ou Giovanni Gabrieli (1557-1612).
C’est justement le programme de cet enregistrement que l’ensemble
interprète en cet après-midi dominical, en l’abbatiale romane
Saint-André, village situé sur le chemin de la Méditerranée
depuis Perpignan.
Par son raffinement et son agilité, la voix reste un instrument privilégié de la musique Renaissance. Dès sa première intervention, avec Suzanne un jour de Lassus, la soprano Violaine Le Chenadec fait entendre une ligne droite et aux couleurs pures, accompagnée d’un regard quasi innocent, qui expriment simplement ses intentions. Dans Vestiva I colli de Palestrina adapté par l’espagnol Bartolomé de Selma y Salaverde (1580-1640), la ligne de son chant semble même caresser les voûtes de la modeste abbatiale jusqu’aux oreilles des auditeurs. La dulciane (ancêtre du basson) et le bassanello (ancêtre du hautbois baroque) en sont le doux écho. Violaine Le Chenadec fait montre de sa maîtrise avec les vocalises de l’Ancor che col Partire/Angelus ad pastores de Cyprien de Rore (1515-1565) et Giovanni Battista Bovicelli (1550-1594). Il ne manque sans doute que davantage de consonnes pour que le public puisse apprécier toutes les agréables intentions de la chanteuse.
Les œuvres purement instrumentales offrent autant d’occasions d’apprécier la maîtrise des musiciens de La Guilde des Mercenaires, à commencer évidemment par son directeur artistique, Adrien Mabire. Montrant avec brio que le cornet est le plus excellent pour imiter la voix humaine, il favorise toujours la cohérence de la ligne mélodique grâce à une maîtrise du souffle. Le bassoniste montre également une agilité que l’on ne saurait parfois soupçonner d’un instrument demandant très certainement d’exigeantes conditions physiques. Les doigts experts de l’organiste séduisent par la clarté de chacune des voix, particulièrement lors de la Canzon a 6 de Giovanni Valentini (1582-1649). Les quatre musiciens savent faire preuve de nuances et, surtout, d’équilibre. Ne manque alors qu’un peu plus de folie et parfois de prise de risque.
Pour remercier le public heureux, la sympathique guilde offre une nouvelle fois Une jeune fillette de Jehan Chardavoine (1538-1580), à l’introduction captivante et à la coda a cappella de Violaine Le Chenadec, indéniablement céleste.