La Cenerentola étincelante au British Youth Opera
Cette année, la prestigieuse structure britannique se lance un défi de taille. Après une production de Scoring a Century (opéra de David Blake retraçant un siècle d'histoire), les interprètes, pour la plupart encore étudiants, montrent de nouveau leur professionnalisme et talents. Créative et poétique, la mise en scène de Stuart Barker joue entre rêve et réalité. Les tableaux s’enchaînent comme par magie et laissent travailler l’imagination du spectateur face à de forts contrastes cartonnés et cartoonesques. Les lumières attrayantes imaginées par John Bishop, ravivent la riche palette des couleurs, autant dans les décors de Bek Palmer que dans les costumes du département maison placé sous l’œil de Laura Pearse.
Les jeunes interprètes (principalement de la Guildhall School of Music and Drama) offrent également une prestation colorée, immergée dans la teinture enchanteresse des coloratures musicales et de ce conte de fée. Dans le rôle-titre, la mezzo-soprano Siân Griffiths prouve son assurance attachante tout au long de l’opéra à travers son ancrage scénique et vocal. Polyvalente, elle est volontairement fragile avant de dévoiler un charisme plus confiant lors du finale. La voix aux couleurs rondes et chaudes, contrôlée, est naturellement timbrée (avec pour seul bémol des aigus un peu poussés et serrés). Dans un rôle de persécuteur machiavélique, Don Magnifico est interprété par le baryton-basse Adam Maxey. Captivant autant que divertissant et glaçant, il entraîne le drame dans sa folle quête du pouvoir. Passant des éclats de rires aux frissons obscurs, son timbre lyrique est fluide, plein d’une ampleur dramatiquement caverneuse, soutenant une prestation expressive, énergique. L’air du vin le montre particulièrement libre dans ses actions et dans son chant.
Les vicieuses et espiègles sœurs sont jouées par la soprano Holly Brown (Clorinda) et la mezzo-soprano Natalie Davies (Tisbe). Épanouies dans le ridicule et la douce vulgarité de leurs personnages, elles animent la galerie avec aisance. Dotée d’une projection déjà impressionnante mais qui pourrait certainement s’amplifier encore davantage, Holly Brown s’élève vers des aigus faciles et légers. Natalie Davies a tout le potentiel d’une voix homogène, gracieuse et d’une projection très convenable.
Le ténor Liam Bonthrone dégage le charme du Prince par une présence convaincue dès son rôle de valet. Dans l’air "Si, ritrovarla io giuro" (Oui, je jure de la retrouver), il aborde les contre-ut avec la prudence d’un timbre allégé, mais avec justesse et résonance. Le baryton Jerome Knox campe un Dandini pittoresque. Ses couleurs harmoniques et un timbre mûr résonnent dans la salle. Cependant, un peu de réserve se laisse ressentir, scéniquement mais aussi vocalement, limitant en particulier sa souplesse. Enfin, le dernier rôle soliste est attribué au jeune baryton Tom Mole. Ses 21 ans ne l’empêchent nullement d’incarner le maître de cérémonie Alidoro avec une maturité bouleversante. Le timbre se démarque, large, riche et harmonieux, notamment au regard d’un jeu sobre et pertinent.
Supervisé attentivement par le chef d’orchestre Peter Robinson, le jeune ensemble Southbank Sinfonia respecte la partition avec finesse. Les chœurs sont eux aussi impliqués et à l’écoute des autres, formant une équipe complice au service de la narration.
Le public accueille avec enthousiasme ces jeunes artistes au fort potentiel scénique et vocal.