Propulsée sur le devant de la scène lors du Concours Reine Élisabeth en 2008, la mezzo-soprano canadienne revient une nouvelle fois sur le lieu de sa consécration. La Monnaie de Bruxelles l'a vue et la reverra dans un répertoire lyrique franco-allemand : après ses débuts en Sesto (La Clémence de Titus de Mozart) en 2013 puis le rôle-titre de Béatrice et Bénédict (Berlioz) en 2016, elle reviendra la saison prochaine en Nicklausse et La Muse des Contes d’Hoffmann (Offenbach) puis en Octavian du Chevalier à la rose (Strauss).

Mais c'est ici un répertoire purement français (la mélodie piano-voix) qu'elle interprète avec une même énergie et indépendance artistique. Le récital post-romantique est un audacieux retour à la nostalgie intime et évocatrice, chantée par Charles Gounod, Jules Massenet, César Franck (pour la touche de belgitude) ainsi que les incontournables Georges Bizet et Camille Saint-Saëns.

L'apparition de Michèle Losier, longiligne et fluide, douce et radieuse, presque maligne annonce un récital intimiste, où la chanteuse joue avec le caractère pictural du programme : entre le conte et la peinture, la voix est noble et riche, très modulée, passant avec une aisance redoutable du chuchotement a cappella à la puissance lyrique. La mine altière mime les arias, entre gravité et légèreté, puis les élans se font lyriques et habités au point même de troubler le timbre. Il en va de même pour les identités des personnages incarnés, caméléons : jouant seule le dialogue amoureux, entre des graves fondant et la clarté d'aigus limpides. Le Spleen amer des poèmes à la plume trempée dans la poésie française se fond dans la vocalité entre rondeur, acidité et amertume, les adjectifs se fondent avec les sentiments. 

Entre voyage intime et contemplation, l’auditoire est appelé au recueillement, par des mots joliment dits aux "r" roulés, authentiques. L'accompagnement au piano par Olivier Godin, vise à l'osmose, revendiquant la collaboration et le partage, une respiration commune et très présente, un véritable choix.