Sobre Stabat Mater anniversaire pour Malgoire au Théâtre des Champs-Élysées
Les artistes apparaissent sur scène, trouvent leur place respective et, l’instant d’après, les musiciens commencent à jouer le Stabat Mater de Scarlatti, embarquant d'emblée pour le voyage (l’accordage des instruments ayant été fait au préalable). L’Ensemble La Grande Écurie et la Chambre du Roy opère ce soir sans chef et, bien que le maître de concert Philippe Couvert sache entraîner le reste des musiciens, l’absence de direction formelle se ressent surtout pendant cette première partie où les départs manquent de précision. Les impulsions données par le violon de Philippe Couvert sont particulièrement audibles mais l’ensemble semble souvent le rejoindre avec quelques délais. Passé le premier tiers de la soirée, le temps pour les musiciens de se mettre en phase et de trouver leur unité, leur pulsation commune, l’exécution devient académique, notamment lorsqu’est entamée la composition de Pergolèse.
La soprano Maïlys de Villoutreys déploie une voix saine, légère, cristalline, riche en harmoniques aiguës mais qui peine parfois à trouver l’ampleur suffisante pour emplir l’espace et assumer totalement les forte de la partition. La soufflerie est toutefois en place et lui permet de proposer des lignes legato maîtrisées avec une réelle capacité à nuancer surtout dans les hauts médiums et les aigus de sa tessiture –les excursions plus graves étant légèrement écrasées avec une perte de rondeur et d’ouverture. L’exécution des vocalises rapides pose plus de difficultés, la voix se teintant parfois de nasalité et perdant en stabilité et homogénéité, de même que l’articulation, pas toujours suffisamment précise et centrée.
Paul Figuier est un contre-ténor alto à la voix chaude, profonde, ronde et particulièrement sonore dans les médiums et graves –ce dernier résonnant puissamment la plupart du temps sans passage en poitrine. Son articulation redoutablement précise dessert néanmoins parfois la qualité du son dans les hauts médiums où les voyelles fermées entraînent un resserrement de l’appareil vocal et une perte subséquente de cette épaisseur naturelle et rassurante dans sa voix. Le chanteur présente des messa di voce (conduite de la ligne vocale) avec des sons filés précis et solides. Il semble toutefois moins assuré sur les dernières mesures de la composition de Scarlatti et n'assume pas totalement les passages répétés entre la voix de poitrine et de tête.
Ce déséquilibre des voix, dans l’intensité et la qualité de la prononciation, est particulièrement perceptible lors des duos pendant lesquels Maïlys de Villoutreys est presque effacée derrière la voix de Paul Figuier qui, lui, a une attitude scénique dépourvue d’assurance et de confiance et ne cesse de chercher les musiciens du regard, malgré ses qualités vocales indéniables. L’engagement émotionnel et physique reste en retrait dans cette version contemplative du martyre chrétien, mais qui transporte certes l’auditoire dans l'honorable hommage.