Défense et illustration de la mélodie française par Sabine Devieilhe à Lille
Ce programme sobrement dénommé "Mélodies françaises" n'a pas d'autre ambition affichée que de présenter le genre, par un choix éclectique rendant compte des la diversité thématique (amour, nature, fragilité, douleur, mélancolie, tourments, mais aussi exotisme) inhérente au genre, selon les traitements musicaux déployés par divers compositeurs. Le déroulé du programme au travers d'œuvres de Poulenc, Fauré, Ravel et Debussy n'obéit donc pas à une démonstration thématique particulière mais à une inspiration poétique, au panorama de caractères variés.
Les deux artistes forment un vrai duo tant les mélodies (surtout chez Ravel et Debussy) sont une fusion de la voix et du piano. L'instrument d'Alexandre Tharaud chante et enchante, caractérisant chaque compositeur et chaque œuvre avec l'élégance et le brio de ses doigts volant, caressant ou martelant, avec délicatesse, force et précision, élan et souffle. Il enrobe la voix, la nimbe des couleurs que requiert l’ethos du texte poétique.
Sabine Devieilhe se distingue dans sa catégorie vocale par la largesse, secondée par une technique qui lui permet de chanter vite et lentement, fort et doucement, partout dans l’étendue. Le premier son mène déjà aux transports poétiques du genre, au modelé du texte fin et précis (hormis les un et um de parfums et défunts qui sonnent in). Elle roule des r seyants, loin de la consonne italienne, avec un charmant effet proche de celui des polynésiens. Surtout, elle accorde, apparemment par instinct, sans doute par des choix mûris, le poids dynamique de chaque syllabe, dans le legato du phrasé modelé et signifiant.
Le public ne s’y trompe pas, qui applaudit avec ferveur ce duo, avant d'être transporté en bis sur « Les chemins de l’amour » (musique de Francis Poulenc sur un texte de Jean Anouilh).