Voyage dans l’univers fantastique de Patricia Petibon au TCE
Patricia Petibon a pioché parmi son vaste répertoire moderne et contemporain pour cette soirée étincelante. En guise de fil d’Ariane, les émotions exacerbées se font guide et transportent dans l’Espagne d’Enrique Granados (1867-1916), de Manuel de Falla (1876-1946) ou de Joaquín Turina (1882-1949). Elle y chante l’amour, la douleur et le désespoir, démontrant à chaque morceau ses talents d’interprète. Son visage sait se tordre et se faire beau, au gré des émotions qu’elle transporte vers un public pendu à ses lèvres. Passant par l’italien du célèbre Gianni Schicchi de Puccini, elle fait un détour par les partitions américaines de Samuel Barber et de Leonard Bernstein, ainsi que celles du français Nicolas Bacri (né en 1961).
La soprano utilise une palette incroyable de timbres et de sonorités, faisant de sa voix un caméléon, s’amusant des parfums hispaniques et orientaux de ces partitions. Elle va chercher dans des graves de poitrine une puissance large, puis décroche des contre-mi acrobatiques. Toujours dans la plus grande maîtrise des nuances, elle joue de pianissimi vibrants à peine perceptibles, créant une atmosphère irréelle et sensorielle. La voix reste pure, même lorsqu’elle se voile et détimbre pour faire mourir le son en fin de phrase, ou lorsqu’elle la place dans le nez pour servir son personnage. Sa bouche est un outil incroyable, qu’elle use et transforme au gré des interprétations, d’une ouverture très large à une quasi-fermeture.
Patricia Petibon donne aussi dans l’humour auquel elle a habitué son public : sur La Tarantula é un bicho mu malo de Geronimo Giménez, elle troque son châle en dentelle pour une queue de pie, un chapeau et un nez de clown. Elle gesticule, et investit la scène, revêtant le chef et le premier violon d’accessoires, allant même jusqu’à s’asseoir sur les genoux de ce dernier. En guise de bis, elle propose une berceuse « à ceux qui voudraient poursuivre leur sieste ».
Le Janáček Philharmonic Orchestra Ostrava accompagne avec élégance les frasques de la chanteuse, parvenant à suivre ses rubati (changements de tempo) et sa mise en scène. Sous la direction précise et légère de Robert Reimer, les musiciens proposent au public un éventail de couleurs, avec pour apogée le fameux Adagio pour cordes de Barber.
Que ce soit dans un humour farfelu ou la plus profonde mélancolie, Patricia Petibon emporte tout sur son passage et le public vibre avec elle : il rit et frissonne à l’unisson, couvrant les artistes de chaleureux applaudissements.