Lamoureux anniversaire Berlioz au Théâtre des Champs-Élysées
En ce premier mois d'une année Berlioz (mort il y a 150 ans) et quelques jours avant le retour très attendu des Troyens à Bastille, l'Orchestre Lamoureux offre sa contribution à l'hommage national par un concert au Théâtre des Champs-Élysées intitulé "Hector 100% Berlioz". Les deux œuvres ont été choisies pour célébrer Berlioz, tant elles sont importantes dans sa carrière mais aussi dans l'histoire de la musique. Les Nuits d’été (1834-1840) sont le premier chef-d'œuvre dans le genre de la mélodie française (poème avec voix soliste et accompagnement), tandis que la Symphonie fantastique (1830) fait figure de pionnière française en tant que musique à programme (œuvre purement symphonique, sans chant, mais illustrant un texte littéraire d'autant qu'il est alors rédigé par Berlioz lui-même).
L'interprétation, ou plutôt les interprétations des Nuits d’été par Albane Carrère et l'Orchestre Lamoureux désarçonnent tout d'abord, car la chanteuse et la phalange sont dans deux univers temporels distincts, chacun avec son propre rythme et sa pulsation. Cependant, une fois habitué à cette dichotomie, force est de constater que chaque interprétation a sa propre cohérence de phrasés.
Visiblement heureuse, Albane Carrère se délecte des poèmes signés Théophile Gautier par la douceur constante d'un sourire radieux. Toujours mesurée, délicate, égale, elle se refuse aux nuances prononcées, aux intensités franches. Les contrastes sont à chercher entre la grande ouverture de ses voyelles et la rondeur côtelée du timbre. Si elle ne dispose pas des graves de la partition en voix pleine, elle les incarne par une parole chantée tirant vers le mélodrame (parole accompagnée) : "Entre nos cœurs quelle distance ! Tant d'espace entre nos baisers !" L'interprétation construite avec délicatesse mène toutefois sur des pointes lyriques, des portés de voix volontairement râpeux, "Au cimetière" mais également en d'autres endroits bien moins justifiés par le texte.
À l'unisson d'Albane Carrère, l'Orchestre Lamoureux est souple et délicat. Benjamin Lévy n'est que sourires, gestes et mots d'encouragement pour les instrumentistes et la chanteuse. Les changements d'atmosphères sont particulièrement travaillés, notamment les passages de l'archet aux pizzicati, sombre forêt dans laquelle les harpes creusent bientôt une clairière. Si chaque pupitre peut déployer ses couleurs (les percussions et les percussionnistes qui rebondissent et chantent, les bois menés par l'implication des flûtes, ainsi que les cordes toutefois décalées dans les tempi rapides), ce sont effectivement les harpes qui sont mises à l'honneur, au point que le deuxième mouvement de "la Fantastique"' est transformé en Concerto pour deux harpes, les instruments étant placés au centre de l'avant-scène à l'issue du premier mouvement puis remisées sur les côtés dès la fin du deuxième.
Le public applaudit chaleureusement chaque soliste, chaque pupitre de l'orchestre, et rappelle la chanteuse et le chef.