Shakespeare Songs à Limoges
Shakespeare
Songs
à l’Opéra de Limoges n’est pas seulement une soirée avec
des
compositions musicales
inspirées
des textes
de
Shakespeare, mais aussi un récital qui présente Catherine Hunold (soprano
dramatique française)
dans
un
riche programme, accompagnée du Sextuor
à
Cordes de l’Orchestre de l’Opéra de Limoges,
et de
Mara
Dobresco au
piano.
En outre, le concert s’organise autour de compositeurs des
XXe
et
XXIe
siècles, qui reviennent volontairement à la consonance, après
avoir préalablement goûté aux registres avant-gardistes de
l’atonalité. Le répertoire choisi sertit, comme un bijou
dans un écrin harmonieux, une
première
mondiale, Of
Time and Love
de
Nicolas Bacri, et permet de présenter,
dans
les Shakespeare
songs
de Korngold, un aspect moins connu du compositeur de Die
Tote Stadt (La Ville morte, que l’Opéra de Limoges présentera avec une mise en scène
de
Sandrine Anglade
les 25 et
27
janvier 2019).
C’est le sextuor que Richard Strauss écrit comme « prélude » à Capriccio qui ouvre le concert. Il démarre avec un motif descendant (comme un Till l'Espiègle fort assagi). Le premier violon et le premier alto semblent dialoguer, voire se disputer. Une pointe d'ironie qui vient piquer l'ensemble du jeu précis et passionné des six musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Limoges.
Ce pastiche tout en tulle et pastels sert d’excellente introduction, voire de défense et illustration à la création mondiale de Nicolas Bacri, compositeur français qui cherche aujourd’hui dans la direction de la néo-tonalité. Son Of Time and Love est une commande de l’Opéra de Limoges, pour soprano, sextuor à cordes et piano sur trois sonnets de Shakespeare (les sonnets 64 : « When I have seen… », 65 « Since brass, nor stone… » et 63 « Against my love… »). Les trois chansons frappent par les textures délicates des cordes, aux couleurs sombres d’un romantisme transfiguré, où de fragiles et surprenantes dissonances jouent autour et dans l’harmonie. Le langage de Nicolas Bacri, dans Of Time and Love, est bien plus immédiatement engageant pour l’oreille que les autres œuvres du programme, à l’exception possible de la Chanson de Mariette dans Die Tote Stadt, qui clôt la soirée : justement parce que Bacri joue avec la dissonance et la consonance pour taquiner et apaiser l’oreille.
Malgré une bronchite qui la met en empathie avec le public toussant, Catherine Hunold peut s’appuyer sur le sextuor et piano pour déployer sa voix fondante et lisse, luxuriante et enveloppante, dans les graves comme dans les aigus, aussi bien que dans les pianissimi. La deuxième partie du programme est toute consacrée à Erich Wolfgang Korngold avec ses Songs of the clown et ses Four Shakespeare songs, datant de 1941. Pour ces deux cycles, Catherine Hunold fait de son mieux afin de plier son généreux instrument à la pureté essentielle. Son visage ouvert et clair au large sourire et grands yeux, projette aussi l’esprit des textes, même si, faute de sur-titres ou de textes imprimés, les paroles restent un peu mystérieuses.
Après une œuvre de jeunesse (l'Adagio du Sextuor en ré), la soirée se termine avec Le Lied de Marietta, dans Die Tote Stadt (1920). Soutenue par le quatuor à cordes et le piano, la chanteuse peut enfin libérer sa pleine puissance opératique, pour régaler le public de sa voix riche et rutilante.
Une soirée qui donne assurément envie d’entendre davantage Nicolas Bacri, Catherine Hunold et de revenir à Limoges pour La Ville morte.