Don Pasquale à La Monnaie, un deuxième casting de premier choix
Le rire est de mise pour ce Don Pasquale mis en scène par Laurent Pelly : d'une redoutable efficacité, il vient réchauffer nos temps hivernaux. Son humour n’est finalement pas loin des films de Louis de Funès, et autres comédies obligatoires à la période de Noël, mais le rictus humoristique permanent est cruel. Le comique sait aussi valser dangereusement avec le tragique au service d’une partition survoltée (l’œuvre, parmi les plus sombres de l’opéra buffa, mais nuancée d’un propos humain est tragiquement crédible). Après une première distribution marquée par sa noblesse et l'élévation assez tragique de ses rôles, la seconde fait le choix contrasté de l'humour dangereux mais efficace, expressif et précis.
Pietro Spagnoli brille dans le rôle du vieux barbon épris d’une vulgaire solitude (le rendant attachant, mais il est pourtant prêt à tout stratagème pour quitter cette solitude). Les lunettes épaisses, pantouflard, il garde pourtant une stature imposante grâce à sa voix de basse abyssale, bonhomme, assise comme l'est le personnage dans son fauteuil immense. L'étonnement vient alors de son jeu scénique vif, très expressif et précis, en contraste total avec la voix maturée. Ne s'économisant pas une seconde, il se livre et délivre un plaisir communicatif, contagieux et partagé avec les autres chanteurs.
Véritable star de la pièce, Anne-Catherine Gillet se met au service du rôle de Norina en révélant une redoutable séductrice. Puissante de jeu mais aussi de voix, elle étourdit par son souffle tempétueux. D'un aplomb désarmant, les notes se dessinent, sûres, sans jamais vaciller. Ses aigus sont à l’image de la jeune fille indomptable, précise et maligne qu’elle incarne. Un tour de force dans cette distribution masculine (à l'inverse de sa prestation austère et mystique dans une distribution essentiellement féminine pour les Dialogues des Carmélites in loco).
Complice de la belle Norina, le Docteur Malatesta, incarné par le baryton russe Rodion Pogossov revêt un caractère plus mutin, plus vif, plus expressif, mais aussi parfois plus poussif. La comédie est assumée, la voix et la diction, précises et hachées du chanteur colle au rôle et à son couple d’infortune avec la jeune Norina. La vélocité a quelque chose d'un hommage rendu à Charlie Chaplin. Également énergique, le chant cerne des graves quasi piquants. Légèrement en retrait, Ernesto joué par le jeune Anicio Zorzi Giustiniani semble appartenir à ces voix latines romantiques, qui se déploient naturellement dans les airs tragiques et bel cantistes. Légèrement guttural dans la diction, il surprend cependant par ses mimiques comiques, rapides, précises et désopilantes.
Les deux distributions sont dirigées par le Directeur musical des lieux, Alain Altinoglu. Chacun trouve sa place parmi l'Orchestre symphonique et les Chœurs de La Monnaie (d'une belle étoffe), avec une sagesse assurée mais énergique. Les phalanges étincellent en finesse, sans délaisser les notes tragiques, mais entre retenue et expressivité, fermeté et véloce acuité.