La magie de Cendrillon à l'âge des culottes courtes
Il appartient au cahier des charges de toute compagnie lyrique de se soucier du public de demain. À ce titre, rien ne vaut une initiation dès les premiers âges. L'Opéra de Liège ouvre sa saison pour les plus jeunes avec une adaptation de la Cendrillon de Pauline Viardot, opus de chambre certes en marge du répertoire, mais non dépourvu de séduction, et que l'effectif réduit qu'il exige sied particulièrement aux programmes d'académie ou d'opéra studio – Favart l'avait d'ailleurs mis à l'affiche il y a quelques années dans un tel contexte. Si l'institution lyrique wallonne ne possède pas de troupe junior, elle a noué ici un partenariat avec la Chapelle Musicale Reine Elisabeth et l'IMEP (Institut Supérieur de Musique et de Pédagogie) de Namur, dans le cadre d'une tournée des festivals de Wallonie qui se termine à Liège.
Le
travail de Davide Garattini Raimondi tire parti des caractéristiques
particulières de la salle Rossius, au neuvième étage du bâtiment, que l'on
rejoint par un ascenseur avec vue panoramique sur la ville. En entrant dans ce
qui sert également pour les répétitions, et dont les dimensions plus intimistes
conviennent mieux à un auditoire en culottes courtes, l'on aperçoit un homme
somnolant dans un fauteuil tournant le dos à la scène. C'est le Baron Pictordu,
le père de Cendrillon et de ses deux demi-sœurs. L'intrigue s'ouvre sur
l'échange de costumes entre le Prince, charmé par une jeune fille en tenue de
servante, et Barigoule. Le ton est donné : les gags explicites prennent le
pas sur la narration musicale, pour maintenir en éveil une attention et des zygomatiques
à la distraction facile. Après le numéro de divas appuyant le ridicule des deux
prétentieuses demoiselles Pictordu, la Fée se fait le médium de l'histoire,
encourageant les petites têtes blondes à reprendre en chœur quelques thèmes
aux allures de comptine, voire en sollicitant la participation de l'une d'entre
elles. D'abord timides, les doigts se disputent ensuite les faveurs d'un petit
numéro sur le plateau. Dans cette atmosphère bon enfant, les costumes de Giada Masi apportent des pastels généreux, chatoyant sous les lumières de Paolo Vitale. L'effet de merveilleux ne manque pas pour le tulle délicat et les
souliers qui servent de transformation aristocratique de Cendrillon, tandis que
les ombres dessinent un carrosse.
Dans ce sympathique écrin visuel, à portée des plus petits, se déploient de jeunes gosiers investis, attentifs à caractériser leurs incarnations. Julie Gebhart affirme une Cendrillon gracile, élégante, douée d'une sonorité agréablement fruitée qui résume autant la séduisante fraîcheur que l'innocence d'un personnage nourri par ses rêves. Elle partage cette fluidité et cette finesse avec la Fée de Sarah Defrise, qui met en valeur les lignes aériennes de son intervention, sans avoir besoin de forcer une virtuosité naturellement condensée par l'adaptation. Julie Bailly et Natacha Kowalski forment en Armelinde et Maguelonne une inénarrable paire d'effrontées, contrastant autant dans leurs voix que dans leur jeu, au-delà des mimétismes – à sens unique. Côté messieurs, Xavier Flabat imprime un lyrisme certain au Prince, plus sensible néanmoins aux mots qu'aux couleurs de l'émission. Le solide Pierre Romainville se glisse avec gourmandise dans la défroque de Barigoule, quand Jacques Calatayud assume un vil Baron Pictordu sous une apparence débonnaire. Sous les doigts de Véronique Tollet, le piano tresse le canevas nécessaire d'un spectacle avant tout pédagogique, applaudi autant par les spectateurs en herbe que leurs accompagnateurs.