Requiem de Verdi à Liège, œuvre précise, résultat viscéral
Entre silence monastique et violences divines, imploration et puissance, la musique se fait sentir de façon viscérale, avec des moyens magistraux et clairement opératiques dans cet « opéra en robe d’ecclésiastique » (pour citer Hans von Bülow). Au-delà d’une messe implorant le repos de l’âme, Verdi donne à son Requiem l’envergure d’un opéra religieux en proposant une vision romantique de la mort.
Pour les voix solistes, la distribution répond à une attente classique, mais quelques choix déroutants dénaturent parfois le caractère opératique.
Très affirmée avec une voix de soprano vive, riche et haute, Serena Farnocchia "sonne" Verdienne. Altière, avec un naturel détaché, la maîtrise de la partition lui permet des libertés vocales et une gestion progressive du souffle. Du silence total à la grande puissance, Serena Farnocchia a parfois même tendance à couvrir les autres chanteurs (y compris des chœurs pourtant très présents). Ses notes acidulées, d’une belle rondeur dessinent un Libera me, d’une profonde tristesse, puissant témoignage de la faiblesse humaine, les aigus de voix ornementés et pourtant fragiles.
Plus en retrait, Sabina Willeit manque de vélocité. La voix posée et d’un beau grave pêche par le souffle, les ornements sont rares mais la ligne n'est pas sans évoquer une qualité minimaliste monacale. Quelque peu sévère et sec, son mezzo semble d'abord souffrir d’un léger stress, mais le chant rétablit progressivement sa chaleur. Un peu poussive en soliste, elle brille en duo avec Serena Farnocchia : les deux timbres opposés s’accordent, l’une aux notes longues et ventilées, l’autre aux aigus ronds et appuyés, notamment sur le Recordare et l’Agnus Dei.

Résolument opératique, avec une voix latine et courbe, le ténor Marc Laho, originaire de Liège, semble un tantinet récitatif, non pas en retrait mais avec une "nonchalance" élégante. La voix posée et confiante, avec de belles ornementations, est convaincante, notamment pour l’Ingemisco, d’une belle retenue et d’un souffle maîtrisé, progressif. La basse de Roberto Scandiuzzi est impressionnante de graves. Son habileté au chanté-parlé et sa maîtrise de la langue latine offrent un phrasé aux roulés magnifiques. Mors stupebit sonne avec torpeur, à la fois violent et calme.
Accompagnées par les chœurs de l’Opéra de Liège et de celui de Namur (IMEP), les voix des solistes laissent une belle empreinte vocale, accordée, chacun y trouvant une écriture personnelle et puissante.
