Les Invalides ouvrent leur saison musicale 18-19 vers le pacifique front de l'Est
15 décembre 1840, le Requiem de de Mozart accompagne le retour des cendres de l'Empereur Napoléon 1er en la Cathédrale Saint-Louis des Invalides. Près de 178 années plus tard, en ce même lieu, ce même chef-d'œuvre est interprété par l'Orchestre national de Metz (feu Orchestre philharmonique de Lorraine) avec son nouveau Directeur musical, David Reiland (qui succède à Jacques Mercier dont le dernier concert était en compte-rendu sur nos pages).
Avant le Requiem, les musiciens et leur chef offrent une démonstration d'articulation et d'ample délicatesse, prenant le temps de savourer, de déguster le bref et sublime Motet Ave Verum Corpus, en ré majeur, du même génie Mozart.
Cette amplitude dans la gestuelle de David Reiland devra croître énormément pour emporter les élans du Requiem, elle y conserve néanmoins sa grande souplesse (qui ne permet pas de placer les nombreux contre-temps avec netteté). Le besoin de donner et surtout de beaucoup anticiper les départs et les intentions diminue d'autant le nombre d’indications qu'il peut offrir aux entrées fuguées des chœurs et de l'orchestre.
L'orchestre offre cependant un son bien équilibré, davantage même qu'à l'habitude : les quatre violoncelles placés à droite sonnent autant que les pupitres de violons. Les cordes graves soutiennent avec constance les entrées fuguées et chorales. Le pupitre des vents sonne comme il est placé dans la phalange : central, au loin et discret. Le Chœur de l'Orchestre de Paris, juste, est en place, bien que nombre des chanteurs soient plongés dans une partition pourtant célèbre. Le chef parvient à récupérer leur attention par l'amplitude des mouvements (allant jusqu'à s'accroupir pour le pianissimo et bondir subito forte), mais aussi par les longs silences qu'il habite et durant lesquels musiciens comme spectateurs se suspendent à ses respirations. Le contact s'établit toutefois infiniment mieux lorsque les choristes referment et remisent leurs partitions sous le bras, cela se voit et s'entend pour le Lacrimosa avant qu'ils ne replongent hélas le nez dans les portées.
La disposition des solistes bien au-devant du chef (dans son dos) a beau être fréquente au concert, elle empêche -une fois encore- le maestro de guider le quatuor. Reiland se retourne en vain vers trois d'entre eux, tandis que la basse Frédéric Caton tourne tellement la pupille au coin de son œil pour tenter de voir les départs, qu'il semble vouloir regarder derrière sa tête (d'autant qu'il est le seul à ne jamais jeter un regard sur une partition). Il conserve nonobstant un caractère noble et un souffle long (mais qui bouge durant la phrase, certes moins que l'accompagnement).
Raquel Camarinha peine à trouver ses appuis rythmiques, les débuts de phrases s'étirent comme ses commissures de lèvres, portant un son serré et vibré. Sa première intervention présente certes ses mediums travaillés, mais elle est infiniment plus à l'aise lorsqu'elle se relève dans son aigu cristallin pour le Tuba mirum. La mezzo Delphine Haidan charme particulièrement dans le Benedictus par son placement cotonneux, offrant aux ensembles la rondeur du timbre, au point d'en devenir la charpente (alors qu'elle est la deuxième voix la plus aiguë du quatuor soliste). Sébastien Droy, ténor impliqué (un peu tiré) est généreux en voix au point de ne pas placer tout son souffle sur les notes de ses interventions solistes. Au contraire, il est très placé dans les ensembles.
Avant de chaleureux applaudissements et rappels, l'immense silence final est un merveilleux hommage rendu par le public aux respirations du chef, aux interprètes et à Mozart.