Voces Suaves transportent Ambronay au cœur du madrigal européen
Le madrigal, genre polyphonique essentiellement vocal, a participé à
la naissance de l’opéra et de la musique baroque. Très présent
et populaire en Italie –autour de Claudio Monteverdi
(1567-1643), véritable maître du genre–, les compositeurs
allemands venus y étudier, comme Leonhard Lechner (1553-1606) ou
Heinrich Schütz (1585-1672), l’adoptèrent et publièrent à leur
retour des madrigaux en Allemagne. L’Angleterre fut aussi séduite
par le madrigal, dans un premier temps en adaptant des opus italiens en anglais afin d’être chantés par le plus grand nombre,
puis en composant des madrigaux en anglais. Thomas Morley
(ca.1557-1602) et John Dowland (1563-1626) figurent parmi les plus beaux représentants de ces
compositeurs britanniques ayant été séduits par le genre. Cette
après-midi, en la grande abbatiale d’Ambronay, les huit chanteurs
de l’Ensemble Voces Suaves partagent la passion du madrigal,
auquel ils se consacrent, dans un programme montrant ses évolutions
au fil de ses migrations en Allemagne et en Angleterre. Ils interprètent
les plus anciens madrigaux a cappella et les plus récents
avec l’accompagnement du luthiste Ori Harmelin.
L’univers de Voces Suaves lui est si propre qu’il est capable de transporter le public dans des hauteurs incroyables ou au contraire dans un monde extrêmement intime. Les particularités de l’ensemble et du répertoire touchent ainsi la sensibilité propre à chaque auditeur. Gare à celui qui n’est pas de suite plongé dans ce moment de musique, car il devient alors inaccessible. Les huit chanteurs se montrent parfois expressifs et vivants, comme dans le Ride la primavera de Schütz, et particulièrement homogènes dans les œuvres monodiques et antiphoniques, par exemple dans Phillis, I fain would die now de Morley, le groupe de femmes répond avec malice aux hommes qui souffrent d’amour. Quelques œuvres sont jouées par le luth seul, doux et rêveur, tel Ancor che col partire de Cipriano de Rore (1515-1565) ou A Fancy de Dowland, dans lequel l’on sent une belle direction musicale. Celle-ci est semble-t-il ce qui manque parfois à l’ensemble vocal : travaillant depuis 2016 sans directeur musical, l’unité du groupe et une direction affirmée et claire des phrasés fait parfois défaut. Par exemple, dans Ahi, dispietata morte de Luca Marenzio (1553-1599), l’auditeur ne sait pas vraiment où les chanteurs le mènent, pareillement dans Vier Hirtinnen, gleich jung, gleich schön de Schütz, d'autant que la diction n'est pas extrêmement soignée.
Le public du Festival d’Ambronay ne manque toutefois pas de saluer chaleureusement l’ensemble pour l’avoir emmené aux sources de l’art du madrigal, « splendeur vocale de ce théâtre musical de l’intime » selon le texte de présentation qui accompagne le programme. L’Ensemble Voces Suaves offre alors en bis un dernier madrigal enjoué, aux intentions communes et claires.