Offenbach'ademy à La Comédie Saint Michel
L'Offenbach'ademy met en scène un jeu télévisé de l'amour et du bazar lyrique. Les personnages sont aussi franchement découpés que campés, ils enchaînent les saynètes en jouant et chantant des airs d'Offenbach (plus ou mois trafiqués) : la pianiste Katia Weimann tient la mélodie et l'harmonie de manière impeccable, tout en incarnant Gwendoline la secrétaire de casting. Les candidats de télé-réalité sont la soprano délurée Melissa Lepic (interprétée par Mathilde Rogé), le prude et bien élevé baryton Gontran Montier (Guillaume Durand) et une mezzo grenouille de bénitier, Ingrid de Kerauten, doctement mariée mais qui cherche pourtant amour et célébrité (sous les traits de Sophie Hanne).
L'histoire est volontairement accessible et amusante, à l'image des intrigues boulevardières et des opus d'Offenbach, mais une grande inventivité préside à la musique. Les mélodies sont puisées dans le catalogue d'Offenbach et les paroles sont travesties pour coller à l'intrigue (l'adaptation est d'ailleurs signée par le baryton du spectacle, Guillaume Durand). Pour le spectateur enthousiaste, le plaisir est ainsi double : reconnaître les tubes ("Belle nuit ô nuit d'amour", "Ah que j'aime les militaires", ...) et s'esclaffer devant les déformations : "Ah que j'aime l'humanitaire" chante ainsi Gontran, désireux d'oublier la télé-réalité pour partir sauver les nécessiteux qui l'ont ému sur le papier glacé des magazines people. "Elle a fui la tourterelle" devient "Il a fui mon Mickaël" (parmi d'autres détournements, dont nous réservons la surprise au spectateur, puisés parmi Orphée aux Enfers, La Belle Hélène, La Périchole, La Grande-Duchesse de Gérolstein, Les Contes d'Hoffmann, ainsi que La Vie Parisienne.
Sous ses apparences faciles, la performance vocale est admirable. Mathilde Rogé a une voix de soprano volage dans l'aigu, virevoltant aisément, propulsée par ses trilles vers un sommet colorature. Sophie Hanne place assurément sa voix dans le médium-aigu de mezzo, elle monte ainsi ses intentions vers les cieux (ou le plafond de la cave) par un vibrato ferme et rapide. Le baryton Guillaume Durand déploie une prosodie supérieure et un jeu investi par une voix ronde (qui gagnera certes à déplacer en partie ses résonances du nez vers le masque, notamment dans une acoustique de cave qui permet d'apprécier la précision du timbre et dans laquelle le volume sonore de ces artistes assurés convient amplement). Les voix unies en trio sonnent puissantes, rondes et belles, comme les visages radieux qui soutiennent d'autant leur interprétation et leurs harmoniques.
Sous ses apparences ludiques, parmi ses personnages caricaturaux et ses mélodies plaisantes, l'Offenbach'ademy est une satyre douce-acide sur notre société et notamment son addiction à l'industrie du spectacle télévisuel : la musique n'est plus qu'un moyen pour devenir célèbre. La technique lyrique diluée dans le répertoire d'opérette est réduite à un artifice pour faire le buzz. D'autant que l'enjeu de cette émission n'est même pas de devenir un artiste célèbre mais de trouver l'amour : Pop Star Academy réduit à Tournez Manège.
L'Offenbach'ademy appartient à ces véritables initiations enthousiasmantes à l'art lyrique, elle rappelle en cela les Deevaz et combien l'opéra est populaire.