Semiramide enflamme l'Opéra de Marseille
Mirco Palazzi (Assur) et Jessica Pratt (Sémiramis) © Christian Dresse
Dix ans après Tancrède, Rossini clôt à la Fenice sa carrière italienne avec Semiramide, inspiré de la tragédie homonyme de Voltaire. Cristallisant une période de transition pour Rossini, Semiramide se heurte à l'incompréhension du public lors de sa création en 1823. Drame aux intrigues enchevêtrées, Semiramide impose à ses interprètes une partition vocale exigeante appelant une exécution virtuose, dans laquelle le rôle-titre occupe une place de choix. Cela tombe bien la distribution comme la réalisation orchestrale marseillaises sont à la hauteur !
C’est en version concertante que nous redécouvrons le dernier opera seria italien de Rossini, sous la direction de Giuliano Carella qui avait déjà dirigé l'ouvrage à l’Opéra de Marseille en 1997. Dès les premières notes de l’ouverture, le chef italien nous enveloppe dans cette atmosphère rossinienne singulière, brillante et élégante. Les pizzicati des cordes, les rythmes vifs et légers nous plongent corps et âme dans la majesté de l'opera seria.
Varduhi Abrahamyan (Arsace) © Christian Dresse
Dès l'entrée dans l’acte I, lorsque son Oroe invoque le dieu qui lui a annoncé l’avènement prochain de la justice et de la vengeance, la salle est absorbée par la voix chaude et grave de la basse Patrick Bolleire. La belle Sémiramis, que Jessica Pratt exécute pour la première fois, fait alors son entrée. Les magnifiques aigus de la soprano anglaise sortent sans effort et parviennent à merveille à exalter la dimension tragique de l’œuvre. Elle envoûte l'audience et emplit l’air de sa voix puissante, propre à développer le caractère fort et enflammé de la reine de Babylone. Arsace, très présent dans l’acte I, trouve son incarnation dans la contralto arménienne Varduhi Abrahamyan qui donne du personnage une interprétation fine avec des graves bien soutenus et un charisme impressionnant dans les récitatifs. La puissance tragique de l'ouvrage atteint son apogée à la fin de l’acte I, lorsque Jessica Pratt et Varduhi Abrahamyan libèrent avec brio leur large palette de graves et d'aigus.
Si David Alegret chante un Idreno timide et fragile dans l’acte I, il démontre l'ampleur de sa présence et de son souffle par ses envolées lyriques lorsqu’il tente en vain de conquérir le cœur d’Azéma dans le second acte. D'abord ambitieux et convaincant, l'Assur de Mirco Palazzi déploie la beauté de ses médiums et la précision de ses ornements, tandis qu'il s'échine à persuader Sémiramis de sa légitimité au trône.
Semiramide, du 18 au 27 octobre à l'Opéra de Marseille
Version de concert
Opéra en deux actes de Gioacchino Rossini
Livret de Gaetano Rossi, d'après Sémiramis de Voltaire, créé à Venise, Teatro La Fenice, le 3 février 1823
Direction musicale Giuliano Carella
Sémiramis Jessica Pratt
Arsace Varduhi Abrahamyan
Assur Mirco Palazzi
Idreno David Alegret
Le fantôme de Nino / Oroe Patrick Bolleire
Mitrane Samy Camps
Orchestre et Choeur de l'Opéra de Marseille
(Cover : © Christian Dresse)