Baptiste ou l’opéra des farceurs à Versailles
Ce projet d’opéra collaboratif avait pour objectif de faire découvrir la musique baroque à un nouveau public, en l’occurrence la ville de Trappes et ses habitants. Trois collèges de la ville, l’école de musique et de danse, le cercle celtique Seiz Avel, la compagnie de danse hip-hop Black Blanc Beur, des comédiens amateurs et professionnels et enfin les chœurs d’enfants des maîtrises de Trappes et de Versailles se sont ainsi lancés dans l’aventure.
Après une première année dédiée à la sensibilisation d’un millier de Trappistes à la musique baroque autour de rencontres avec des artistes et les professionnels du Centre de Musique Baroque de Versailles notamment, les participants se sont attelés à la création de la comédie-ballet « Baptiste ou l’opéra des farceurs », retraçant la vie de Jean-Baptiste Lully, écrite par Vincent Tavernier également metteur en scène du spectacle.
Les collégiens de Trappes ont suivi depuis septembre 2017 des ateliers de chant, de danse, de théâtre, de couture et de décor à raison de deux heures par semaine. Un investissement leur permettant de découvrir toutes les facettes de la réalisation d’une production théâtrale, en scène comme en coulisses. La réalisation des décors, accessoires et costumes a été confiée aux élèves du lycée Jules Verne de Sartrouville et à leurs professeurs, sous la direction de la scénographe Claire Niquet et du costumier Erick Plaza-Cochet.
En résulte un spectacle riche d’une heure et demie, porté par la musique de Lully choisie et dirigée par Olivier Schneebeli et interprétée par les musiciens de différents conservatoires de Paris et Versailles avec les instruments anciens des 24 Violons du Roy.
Une belle palette de la création du compositeur est ainsi restituée, de ses pages les plus connues (Cérémonie turque, Passacaille extraite d’Armide) à des extraits de ses comédies-ballets et tragédies lyriques (L’Amour médecin, Le Mariage forcé, Alceste ou Persée entre autres). Les enfants des maîtrises de Trappes et Versailles chantent avec les collégiens sur scène ou depuis la fosse les scènes de chœur, ainsi que de croustillants petits vaudevilles du XVIIème siècle. Ils semblent tous s’amuser et font preuve d’un grand professionnalisme.
Le public se trouve donc transportés à la Foire Saint-Germain, où une troupe de comédiens de la ville s’apprête à donner une représentation. Interrompue par l’Intendant de l’Académie royale de Musique et de Danse, qui leur explique que seul Monsieur Lully est autorisé à présenter des spectacles de ce genre, ils décident de braver l’interdit et de présenter à leur manière un récit de la vie du compositeur. Perruque sur la tête et bâton en main, le personnage de Lully est installé. Les enfants l’incarnent tour à tour, filles ou garçons, de même pour les personnages qui gravitent autour de lui (Molière, le Roy, Madame de Montpensier). La troupe de la Foire Saint-Germain doit se mesurer aux censures de plus en plus restrictives du compositeur, qui les empêche de donner représentation en langue française (cela faisant écho aux véritables restrictions en vigueur à l’époque). Peu importe, elle contourne le problème en parlant italien ou en dansant. Finalement, Lully vient à mourir et les interdictions qui frappaient la troupe sont levées. Il est temps de rendre hommage au compositeur et de célébrer sa musique.
Si quelques voix se perdent dans la grande salle versaillaise, chacun est investi scéniquement et ne se laisse pas intimider par le lieu. Scènes de danse, de chant, de comédie, les nombreuses répétitions ont porté leurs fruits et chacun est en place, grâce au travail de Vincent Tavernier et de ses équipes.
Plus d’une centaine d’enfants et adultes se retrouvent ainsi sur scène, jouant des scènes empruntées aux opéras de Lully pleines d’inventivité, dans lesquelles se marient esthétique baroque et danse hip-hop. L’on y voit aussi bien le lieu de la Foire Saint-Germain qu’Hercule aux Enfers, véritable petit tableau baroque qui prend vie sous les lumières de l’Opéra Royal. Le spectacle est rythmé, amusant et habilement pensé.
C’est un tonnerre d’applaudissements qui vient saluer le travail et l’implication de chacun dans cette belle aventure. Professeurs, élèves, intervenants, il est évident que cette création laissera d’heureux souvenirs dans les mémoires.