Un Stabat Mater de Pergolèse intime en la Cathédrale de Metz
Après le Quatuor à cordes en fa mineur de Mendelssohn qui remporte l’adhésion du public, placé en demi-cercle autour des solistes, Nathalie Marmeuse vient au pupitre, cheffe de chœur et de l’ensemble, alors que les onze chanteuses de l’Opéra-Théâtre de Metz-Métropole se postent, comme le public, en demi-cercle autour des solistes, toutes vêtues de robes noires et d’étoles d’un rouge cardinal, cathédrale oblige. Seul le quatuor Thema, qui réunit des solistes de l’Orchestre national de Lorraine, est en charge de la partie instrumentale, respectant ainsi le « cahier des charges » de l’œuvre, alors que certains airs pour duos dans la partition originale sont interprétés par le chœur entier.
Le duo originel des premiers célébrissimes accords du premier air, Stabat Mater, est ainsi interprété par l’ensemble du chœur. Le placement de voix est excellent, le contrepoint entre sopranos et altos est amené avec la douceur et la solennité que requiert le texte. Les sopranos tiennent, sur leurs notes les plus aiguës, de très beaux vibratos, qui transcrivent habilement la douleur de Marie devant la Croix (« la Mère des douleurs, au pied de la Croix, tout en pleurs, regardait Jésus mourir »). Ces aigus amplifient le contraste avec la ligne du violoncelle, sensiblement humain, voix de bois et de basse.
L’articulation de l’œuvre est clairement exposée pour le public, puisque les airs pour soliste, ou les duos, sont exécutés en invitant la ou les chanteuses sur le devant du cercle, à côté de la cheffe, alors que les parties adaptées pour chœur entier voient le demi-cercle se reformer. Ce demi-cercle autour des instruments, à quelques mètres du public, participe du sentiment d’intimité et de recueillement qui se forme entre interprètes et musiciens, artistes et auditoire.
Nathalie Marmeuse est ainsi rejointe en tête du demi-cercle par une première soliste soprano. Ses aigus, purs, déclinent le « Cujus animam gementem », (« pauvre âme gémissante » de la Vierge) avec une diction parfaite. Le demi-cercle se reforme avant de faire venir une nouvelle soliste, alto cette fois.
Alors que le Stabat Mater débute sous forme de commentaire de la douleur de Marie, il s’achemine ensuite vers un ralliement à la douleur de la Mère doublé d’une expression de l’adoration. L’alto Marie-Émeraude Alcime sait transcrire l’intensité de l’expression de la foi de l’air « Eia Mater, fons amoris » (« Bonne mère, source d’amour, faites-moi souffrir à mon tour ») par l’intensité de ses graves, tout en rondeur et en chaleur, qu’elle puise au plus profond de sa poitrine.
Le chœur tient donc ses promesses, les solistes aussi sur leurs airs respectifs, et les duos sont tout aussi construits. Chaque voix permet un accès au sens du texte. Pour chaque duo, les sopranos savent suspendre le temps et parvenir à véhiculer le sacré des mots, par un long maintien de leurs aigus, les altos par l’aisance avec laquelle elles passent de graves nobles à des aigus ciselés.
Le chœur bouleverse dans son exécution du dernier air, lui aussi originellement pour duo, « Quando corpus morietur » (Et quand mourra mon pauvre corps) toujours tout en exactitude, de la diction latine et du placement de voix. Le « bonheur éternel » espéré dans les dernières paroles du chrétien trouve ainsi son pendant dans la chaleur des timbres, jusqu’au « Amen » final articulé avec un juste dosage de recueillement et de puissance.
Nathalie Marmeuse
dirige les musiciens avec autant d’aisance qu’elle guide les
voix. Un arrêt du mouvement millimétré de la main laisse au public
la chance d’apprécier les derniers mélanges de voix et de cordes
que poursuit la grande réverbération de la nef. La cheffe sait
allier une précision technique digne d’une horlogerie suisse et
une grande émotion. Celle qu’elle transmet aux chanteuses et
musiciens, et celle qui se dégage de son visage, solaire lorsqu’elle
dirige, puis émue, lorsqu’elle remercie son chœur et le quatuor,
sous les applaudissements de l’auditoire.
La saison musicale de la Cathédrale de Metz, dans le cadre du Festival Abrazo Tango, mettra l’Argentine à l’honneur avec la Misatango de Palmeri le 10 mai à 20h30.