Chronique en avant-première de Maria by Callas, au cinéma le 13 décembre
Le Prologue du film donne immédiatement la clé de ce long-métrage à la fois musical, documentaire et biopic : Maria Callas parle d'elle comme de deux personnes différentes. Maria parle de Callas : la femme raconte la divine interprète. C'est à la fois sublime et déchirant : Maria raconte comment le chant a pu porter Callas dans un autre monde, mais de fait, comment elle y a perdu sa vie de femme. Les verbes sont souvent conjugués au conditionnel.
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Le long métrage retrace alors de manière chronologique la vie et la carrière de l'artiste légendaire, à travers ses photographies et films privés, les lettres intimes (narrées par Fanny Ardant) ou ses interviews et bien entendu ses prestations scéniques. Les scènes et les années se suivent, comme autant d'épisodes dramatiques et époustouflants d'une carrière et d'une vie. Chaque fois, le spectateur voit et entend le lien entre les bouleversements personnels de Maria et les personnages qu'elle incarne sur scène.
L'histoire remonte jusqu'à son enfance malheureuse, la naissance à New York, l'exil en Grèce, la pression maternelle pour qu'elle devienne musicienne, mais aussi la force de travail incroyable et déjà une clé du génie : Maria Callas, "élève parfaite" reste toute la journée dans les cours de son enseignante Elvira de Hidalgo, elle y entend toutes les tessitures, elle reprendra toutes les techniques et toutes les voix.
Commence alors l'immense voyage à travers le monde, avec autant de triomphes, d'ovations, d'accueils enfiévrés de l'aéroport jusqu'à l'hôtel, sous des montagnes de fleurs et de brava. Trieste, Milan, New York, Chicago, Paris, Callas conquiert la planète. Puis vient le drame : Rome, le 2 janvier 1958, lorsqu'elle quitte la scène à la fin du premier acte de Norma. Le film rend à l'artiste la parole et présente sa version des faits, qu'elle ressent comme un lynchage alors que la faute en incombe à une loge non chauffée.
L'accompagnement musical est bien entendu puisé dans la mine d'or des enregistrements de La Callas, mais le film se permet aussi d'enregistrer des versions au piano de grands airs lyriques et de faire des liens métaphoriques. Le drame que représente le scandale romain sur Norma est illustré par les grands coups de La Force du destin. De la même manière, les adieux au chant seront illustrés par Addio del passato et ceux à la vie par La Mamma morta.
Le documentaire prend résolument parti pour la femme et l'artiste, la montrant victime d'une presse à scandales, comme du fonctionnement des théâtres. Concernant le conflit avec le Metropolitan Opera, c'est Callas qui explique comment on lui demande de chanter 10 représentations avec 10 ténors et 10 barytons différents, sans avoir vu le plateau avant ! Le contrepoint est flagrant avec un public en extase qui campe devant les opéras pour la voir et lui fera un triomphe mémorable pour son retour à New York.
Le plus terrible déchirement dans la vie de Maria plane dès lors sur le film et la cantatrice, avec l'imposante figure d'Aristote Onassis. Pour lui, Maria Callas a quitté Giovanni Battista Meneghini qui ne s'intéressait qu'à l'argent et à la célébrité, sans savoir correctement négocier avec les théâtres. Mais ce portrait au vitriol lui sert surtout à vanter les mérites d'Onassis, son "meilleur ami, charmant et sincère". Le plan qui suivra bientôt est alors d'autant plus réaliste et cruel : une coupe brutale sur la une d'un journal annonçant le mariage d'Onassis et Jackie Kennedy, comme Callas l'apprit brutalement en lisant le journal. Elle le reprendra pourtant et l'accompagnera jusqu'à sa mort.
Au bonheur des Super 8 filmés en vacances sur les bateaux, succèdent les sanglots de Fanny Ardant lisant des lettres désespérées. Callas ne chante plus, mais elle tourne son premier film avec un rôle presque muet dans Médée de Pasolini. Elle aura même envisagé de jouer dans des films comiques. Le documentaire lui rend ainsi le sourire, la montre et lui offre une fin heureuse et surtout, elle chante tout au long du film. Le cinéma permet d'apprécier cette interprète qui brûle l'écran, transporte, émeut aux larmes. La Divine est éternelle.