Le Barbier de Séville à Compiègne
Cette production du Barbier de Séville de Rossini fut créée en janvier 2016 à l’Opéra-Théâtre de Clermont-Ferrand avec alors Elsa Dreisig dans le rôle de Rosine (elle interprétera d'ailleurs du Rossini pour le spectaculaire Réveillon de Royaumont). Ce Barbier poursuit une tournée française jusqu’en 2018 faisant halte le temps d’une soirée au magnifique Théâtre Impérial de Compiègne.
Le metteur en scène Pierre Thirion-Vallet, directeur du Centre Lyrique Clermont-Auvergne, a choisi la voie de la fantaisie et du débordement. Il situe l’action dans l’Espagne et la Séville des années 50/60 avec un décor hétéroclite et coloré (élaboré par Frank Aracil) représentant la boutique d’électroménager de Bartolo, amoureusement dénommée « Rosinex ». Sa pupille est enfermée dans un téléviseur géant, ce qui ne la gêne guère d’ailleurs pour mener tout son monde à la baguette. Elle est le centre de l’attraction masculine et en profite !
Dès l’ouverture, Figaro paraît au sein de sa propre boutique, coiffant et manucurant les personnages avec tout un attirail des plus suspects. Les saynètes récréatives vont ainsi se succéder durant tout l’ouvrage depuis une bataille de fers à repasser ou cette danse avec un drap déployé par les protagonistes en scène pour éloigner Basile jugé très malade et contagieux à l’acte II. Le ton est alerte, vivifiant, et ne recherche pas la réinterprétation. Les personnages visent à la caricature et leurs tics, voire leurs tocs (Almaviva ne cesse de se déhancher façon Elvis) apparaissent démultipliés. Pour autant, le spectacle manquait en ce soir du 1er décembre d’un peu d’énergie et de souplesse pour pleinement convaincre.
Au sein de la distribution vocale, il faut toutefois avouer que le baryton-basse Leonardo Galeazzi, présent depuis l’origine du spectacle en 2016, campe un Bartolo parfait et scéniquement totalement à l’aise. La voix ronde et chaleureuse s’épanouit sans peine, au même titre que celle d’Anne Derouard en Berta, gouvernante au beau soprano corsé, très justement applaudie. Le jeune ténor anglais Peter Kirk, ancien membre des Jeunes Voix de l’Opéra du Rhin, campe un Almaviva un rien hâbleur, mais attachant. La voix claire et pleine peine toutefois quelque peu sur les vocalises périlleuses du rôle et l’aigu semble trop souvent arraché voire nasal. A priori, ses emplois se situent ailleurs.
Le baryton italien Gabriele Nani, vif et alerte, au sourire permanent, interprète le rôle de Figaro depuis le début de sa carrière. Il en connaît toutes les ficelles : la voix, sans être grande, se glisse aisément dans les habits du barbier, avec une relative souplesse et un aigu percutant. La Rosina incarnée par la mezzo-soprano Beatrice Mezzanotte apparaît vocalement plus problématique. La projection semble limitée, souvent noyée par l’orchestre. Le timbre particulièrement sombre et profond ne parvient guère à s’éclaircir même dans les parties de vocalises et l’aigu est presque déphasé par rapport au reste de la voix. Cette jeune artiste qui débute une carrière dans des seconds rôles en Italie était-elle en méforme ? Laissons-lui le bénéfice du doute et attendons de la réentendre par ailleurs. Piotr Lempa situe son Basile dans la tradition et sa voix de basse s’empare avec allant de ce personnage retords.
Amaury du Closel, à la tête du Chœur et de l’Orchestre Opéra Nomade, fait de son mieux pour animer l’ensemble, sans parvenir toutefois à éviter les décalages et les baisses de tension. Opéra Nomade est une compagnie lyrique indépendante et par vocation itinérante. Elle développe un partenariat étroit avec le Centre Lyrique Clermont-Auvergne de Pierre Thirion-Vallet pour coproduire des ouvrages lyriques, dont ce Barbier de Séville en route désormais pour Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) et Esch (Luxembourg).