Accord parfait entre Damien Guillon et Le Concert Lorrain à l'Arsenal de Metz
Après avoir acclamé l’harmonieuse prestation du Concert Lorrain dans le Concerto pour clavecin de Bach, le public salue chaleureusement Damien Guillon qui fait son entrée sur la scène de la Grande salle de l’Arsenal de Metz.
Le premier air liturgique du contre-ténor est la cantate Vergnügte Ruh, beliebte Seelenlust (Bienheureuse paix, bien-aimée béatitude), dont le Concert Lorrain délivre les premiers accords lumineux. Dès les premières syllabes de l’aria, Damien Guillon offre au public une articulation précise. Sa voix merveilleusement déployée, mise en valeur par l’expressivité qui se dégage de l’interprétation des instrumentistes, se fait volontairement feutrée par moments, renforçant l’« harmonie céleste » et la béatitude exprimée par le texte.
Le débit de Damien Guillon s’accélère ensuite pour le récitatif. Sa voix se fait plus nerveuse, collant parfaitement au pessimisme et aux emportements du texte, Ihr Mund ist voller Ottergift/ Der oft die Unschuld tödlich trifft (Sa bouche est pleine du venin de la vipère, qui, souvent, voue à la mort l’innocent).
Suit l’aria, dont l’orgue et les cordes du Concert Lorrain intensifient la ferveur, amplifiée par la voix de Damien Guillon, qui prolonge les assonances en « e » et « a ». Sa voix, lorsqu’elle se fait plus basse, maintient toujours cette belle articulation qui charme le public depuis le début. Lorsqu’elle monte à nouveau, tenant certaines voyelles, le temps semble suspendu. Même harmonie des instruments pour le récitatif suivant, même agilité de la voix du contre-ténor qui passe avec une aisance déconcertante des aigus les plus cristallins aux graves les plus purs. La cantate se termine par une dernière aria, magnifiée par l’orgue et le hautbois. En adéquation totale avec les instrumentistes, le positionnement de la voix de Damien Guillon sublime à nouveau la précision mathématique de l’œuvre, unie à la grâce de la ferveur du texte.
Après l’entracte et le splendide Concerto pour hautbois d’amour, dont l’interprète Daniel Lanthier rappelle au public avec enthousiasme et clarté la différence avec le hautbois (un peu plus grave et avec un pavillon en forme de poire), le Nisi Dominus (Si l’Éternel) de Vivaldi clôt le concert.
L’enchantement se prolonge. L’articulation de Damien Guillon est aussi claire et précise en latin qu’en allemand, ses vibratos intensifient la sémantique du texte. Le deuxième mouvement reprend les paroles du premier, et Damien Guillon imprime à ce même texte une coloration religieuse encore plus forte, tenant chaque syllabe du mot « doloris » ou de la phrase entière Vanum est vobis ante lucem surgere (En vain vous levez-vous matin). Il en est ainsi pour le troisième mouvement, empreint de solennité, au cours duquel la voix de Damien Guillon se fait le prolongement du chant du violon, et réciproquement. Le quatrième mouvement permet à nouveau au contre-ténor de déployer une articulation limpide, pour laquelle chaque syllabe est ciselée.
Il faut quelques secondes au public pour interrompre le silence qui se fait après les derniers accords, et pour le rappel que précède un concert d’applaudissements. Damien Guillon et Le Concert Lorrain choisissent un extrait de la Messe en si mineur de Bach, qui rencontre le même enthousiasme et la même ovation que la programmation de la soirée.
Retrouvez notre interview de Damien Guillon et le compte-rendu de son dernier concert à La Chaise-Dieu.