Symphonie lyrique à Royaumont
2017 inaugure la résidence à Royaumont du Secession Orchestra dirigé par Clément Mao-Takacs, après l'Ensemble Pygmalion de Raphaël Pichon.
En première partie, Blumine de Mahler déploie les délicats sauts d'octave qui se retrouvent dans sa Première Symphonie, avec harpes et flûtes oniriques, ses réponses et longs appels du hautbois et du cor. Comme pour donner tout son souffle au Secession Orchestra, le chef Clément Mao-Takacs ouvre grand la bouche sur les tutti et inspire amplement durant les longues phrases. L'Enchantement du Vendredi Saint extrait du Parsifal de Wagner déploie les immenses masses de timbre se déplaçant par chromatisme, tectonique des plaques orchestrales en subduction. Les riches couleurs timbrales et harmoniques de Mahler et Wagner mènent l'auditoire vers le lyrisme protéiforme de Zemlinsky, au point que l'entracte semble de trop.
Secession Orchestra dirigé par Clément Mao-Takacs à Royaumont (© DR)
Je t’ai attrapé et enveloppé, mon aimée, dans le filet de ma musique. Tu es mienne, tout à moi, habitante de mes rêves immortels. ”
Dans un arrangement de Thomas Heinisch pour s'adapter à l'effectif de 34 musiciens en présence, cette Symphonie lyrique d'Alexander von Zemlinsky convie deux lauréats de Royaumont : Elsa Dreisig et Stéphane Degout en soprano et baryton solos. L'œuvre s'ouvre sur un roulement de timbales et les sonneries de cuivres, dont les légères dissonances s'adoucissent avec les cordes et les bois. Les amples harmonies se déploient régulièrement en des cataractes sonores, soutenant la voix massive et couverte de Stéphane Degout. Son visage entier est un résonateur jusqu'en des aigus lyriques. L'intensité vocale est à la mesure de l'orchestre, de l'appel impétueux, du souffle et du but lointain qu'invoque le texte.
Secession Orchestra dirigé par Clément Mao-Takacs à Royaumont (© DR)
De sa baguette, le chef frappe le glas de ce premier mouvement, le baryton laisse place à la soprano et les amples masses à un orchestre pointilliste portant Elsa Dreisig de douces lignes. Les mains jointes sur le ventre, elle récite avec implication puis déploie ses amples lignes vocales vers des aigus rayonnants, insoucieuse de l'empressement orchestral derrière elle, les instrumentistes veillant à ne pas manquer leurs kyrielles de petites interventions. Quand ils ne sont pas préparés, les aigus de la soprano sont un peu perçants, mais lorsqu'une ligne y mène, quel déploiement ! Digne d'un grand rôle d’opéra. Ne reste plus qu'à conquérir d'aussi beaux graves.
Laisse l’amour se fondre en souvenirs et les douleurs en chants. Laisse la dernière étreinte de tes mains devenir aussi douce que la fleur de la nuit. ”
Le distant dialogue du couple, avec leur remarquable articulation (des paroles et des lignes musicales), bascule dans des adieux terribles avec une tempête de bois d'archets claquants. Il n'en reste qu'une longue note obstinée à la contrebasse, menant vers une séparation apaisée.
Le public bat longuement le rappel pour cette performance remarquable avec tous ces interprètes défendant un compositeur peu entendu, mais fort à l'honneur cette saison : Le cercle de craie sera donné à Lyon, Une tragédie florentine à Amsterdam, Le Nain à Lille et Rennes.
Ce concert sera diffusé sur France Musique le 21 octobre 2017 à 20h